jeudi 8 novembre 2012

Les Catilinaires - Amélie Nothomb.



La solitude à deux, tel était le rêve d'Emile et de Juliette.

Une maison au fond des bois pour y finir leurs jours, l'un près de l'autre. 

Etrangement, cette parfaite thébaïde comportait un voisin. Un nommé Palamède Bernardin, qui d'abord est venu se présenter, puis a pris l'habitude de s'incruster chez eux chaque après-midi, de quatre à six heures. Sans dire un mot, ou presque. 

Et cette présence absurde va peu à peu devenir plus dérangeante pour le couple que toutes les foules du monde...






J'ai rarement lu un livre aussi bizarre, et pourtant, ce n'est pas le premier Amélie Nothomb que je lis. C’est même justement son style particulier qui m’attire. Toutefois, j'avoue que ce titre-là m'a paru plus bizarre que les autres, je n'ai même pas tout compris et j'ai encore des questions sans réponses !


Émile et Juliette sont un vieux couple de retraités qui se connaissent depuis l'enfance. Ils ont tout fait ensemble, tout partagé et aujourd'hui, Émile goûte à la retraite et décide de s'isoler du monde : lui et sa femme iront s'installer dans le calme, en pleine campagne. Et justement, ils ont trouvé la Maison, celle qui sera leur dernière demeure finale, une maison si parfaite qu’Émile en aurait rêvé durant ses années de professeur. C'est un vrai petit nid douillet, sans radio, sans télévision, avec juste ce qu'il faut comme confort pour que le vieux couple finisse ses jours heureux, dans le calme et la solitude de la campagne. Mais ce n'est pas tout à fait le Paradis sur Terre lorsque leur seul et unique voisin, un certain Monsieur Palamède Bernadin, décide de s'incruster chez eux tous les jours, pendant deux heures. Il aurait juste pu être un emmerdeur de première, un sans gêne venu faire la conversation tous les jours pendant deux longues heures mais voilà, le hic est que Monsieur Bernadin ne parle pas, hormis deux ou trois mots et se contente tout simplement de rester ainsi à ne rien faire, juste à attendre puis boire son café. Un comportement qui ne tarde pas à mettre les nerfs d’Émile à vif...


On a tous, je pense, déjà eu des voisins insupportables, qui aimaient s'incruster ou bien faire du bruit à des heures inimaginables. Mais ce Palamède Bernadin ne fait pas parti de ce genre de voisin. On ne sait pas vraiment à quoi il pense, toujours est-il qu'il vient, et ce dès le premier jour, s'incruster chez ses voisins, sans piper mot, à s'installer et rester assis sans rien faire, rien dire, juste à boire une tasse de café. Le premier jour, Émile et Juliette pensent qu'il s'agit d'un voisin qui vient se présenter aux nouveaux voisins et leur souhaiter la bienvenue. Que nenni ! Bernadin n'est pas un grand bavard et face à ce silence assourdissant, Émile tente de faire la conversation, lui pose quelques questions sur sa vie, lui parle de la pluie et du beau temps, pensant que Bernadin fait son timide... mais Palamède n'est pas timide, juste peu bavard. Émile parvient juste à lui tirer quelques brèves réponses lorsqu'il lui pose des questions sur sa vie. Ainsi on apprend qu'il est marié, qu'il est médecin mais que peu de personnes tombent malades, si bien qu'il donne l'impression de ne pas travailler. Et le pire est qu'il semble montrer un certain agacement face aux questions de Émile.


Émile se tait donc, mais ça ne fait qu'aggraver les choses car Palamède considère comme un crime le fait que ses voisins ne lui offrent ni son café, ni leur conversation. Ce voisin qui parle peu et ne fait rien se sent insulté si ses voisins ne lui parlent pas. Mais Émile a l'impression de parler dans le vide et très vite, il devient obsédé par son voisin, redoutant à la fois ses visites et se questionnant sur ses motivations et sa vie, et ce qu'il va découvrir risque de fort le surprendre ! J'ai trouvé les personnages bien caractérisés, plus particulièrement Émile et le voisin car le roman est majoritairement focalisé sur leur relations, les visites de Palamède et les analyses et déductions qu'en tire Émile.


Ce roman était moins rythmé que les autres de l'auteur que j'ai lu, moins haletant aussi. Il fait sombrer le lecteur dans le quotidien d'un vieux couple de retraité qui vit l'enfer à cause des visites de leur voisin, on suit les monologues et analyses d’Émile sur le dit-voisin et sur ses solutions vaines de faire fuir ce parasite quotidien. Peu à peu, l'angoisse et la colère d’Émile s'élèvent alors qu'il tente de se révolter contre le voisin puis d'essayer de comprendre les raisons de ses visites et pourquoi de 16h à 18h plus particulièrement. Fuit-il quelque chose chez lui ? Ou aime-t-il juste irriter les gens ? Pourquoi cet homme semble s'intéresser à rien, aimer rien, cet homme semble subir sa vie plus qu'il n'est en train de la vivre. Il n'a aucun goût de la vie, comme il n'a aucun goût à venir envahir ses voisins.


Le dégoût s'installe lorsque nous faisons la connaissance de l'épouse du voisin, épouse que le voisin lui-même semble subir, qu'il ne semble pas aimer, qui est plus une charge que sa tendre femme car... j'ai mal compris mais il me semble que c'est une handicapée mentale et assez déformée physiquement. Le dégoût et le malaise s'installent peu à peu, c'est comme un huis clos dans le cadre idyllique de la petite campagne dans lequel on finit par ressentir une atmosphère lourde et oppressante. J'ai apprécié cette montée progressive de l'angoisse, du suspense, avec cette alternance avec quelques passages humoristiques, même si c'était parfois de l'humour noir ou cruel.


J'ai trouvé le voisin absolument insupportable, désagréable, apathique, sans gêne, et comme le narrateur, j'ai eu du mal à le comprendre pendant une bonne partie du roman même si l'on est amené à se poser des questions : qui est réellement cet homme, quelles sont ses véritables motivations, pourquoi s'acharne-t-il à venir chez ses voisins tous les jours s'il ne fait rien ? Depuis la rencontre de Bernadette Bernadin, la visite de leur maison et [spoiler] la tentative de suicide de Palamède [/spoiler] on peut comprendre un peu mieux ses raisons, ses motivations même s'il demeurait un personnage fort peu sympathique, mais Amélie Nothomb a su répondre assez bien à ces questions. En revanche, j'ai bien aimé le couple de retraité et leurs moyens déployés pour fuir le voisin envahissant, les divers stratagèmes pour qu'il se lasse de ses visites ou leurs efforts pour rendre les deux heures où sa présence leur est imposée plus supportables ; j'ai aimé ce couple uni dès l'enfance (même si c'était bizarre de lire qu’Émile considère sa femme comme sa fille, sa sœur et son épouse en même temps) mais leur relation est touchante, complice, Juliette a su garder son âme d'enfant, une certaine candeur.


Bref, ce n'était pas le meilleur Amélie Nothomb que j'ai pu lire jusqu'à présent, mais ce n'était pas une déception, loin de là, au final c'était un bon et court roman bien divertissant, avec de l'humour et une atmosphère lourde et angoissante dans une espèce de huis clos en pleine campagne.


En vérité, monsieur Bernardin n'était sur terre que pour emmerder. La preuve, c'est qu'il n'avait pas un atome de plaisir à vivre. Je l'avais observé : tout lui était désagréable. Il n'aimait ni boire, ni manger, ni se promener dans la nature, ni écouter, ni lire, ni regarder de belles choses, rien. Le plus grave, c'est qu'il n'avait même pas de plaisir à m'emmerder : il le faisait à fond, parce que c'était sa mission, mais il n'en retirait aucune joie. Il avait l'air de trouver très emmerdant de m'emmerder.

Si au moins il avait été comme ces vieilles chipies qui éprouvent une jouissance perverse à enquiquiner les autres ! L'idée de son bonheur m'eût consolé.


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