samedi 2 août 2014

Dragon Rouge, de Thomas Harris.

L'auteur :

Thomas Harris, né le 11 avril 1940, est un auteur américain spécialisé dans le thriller. Il entretient des rapports étroits avec le FBI, et plus particulièrement la Division des Sciences Comportementales de l'académie de Quantico (Virginie), chargée des affaires de tueurs en série, ce qui permit à l'auteur d'obtenir les informations dont il avait besoin pour ses livres. Il est principalement le créateur du personnage d'Hannibal Lecter, cannibale et tueur en série, auquel il consacra quatre thrillers : Dragon Rouge, Le Silence des Agneaux, Hannibal, et Hannibal Lecter : Les Origines du Mal, qui eurent droit à leurs propres adaptations au cinéma, avec Anthony Hopkins dans le rôle d'Hannibal. Plus récemment, la chaîne américaine NBC a repris les personnages de Thomas Harris pour consacrer une série (NBC Hannibal) à son personnage, et qui reprend sa mystérieuse relation avec Will Graham, un jeune profiler du FBI.


Quatrième de couverture :

Une série de meurtres terrifiants secoue les Etats-Unis. Tous suivent le même rituel d'horreur, tous sont signés d'un mystérieux Dragon rouge. Un homme est sur sa piste. Il s'appelle Will Graham. Il a déjà démontré par le passé sa curieuse aptitude à se mettre dans la peau des psychopathes, à adopter leur point de vue, à deviner leurs pulsions les plus secrètes. Dans cette sinistre traque, il va rencontrer en prison un autre monstre : le diabolique Hannibal Lecter. Pour Graham commence alors une lente descente aux enfers, dans le sombre psychisme de ces meurtriers en série, au risque de s'y perdre...

Mon avis :

Hannibal Lecter n'est... pas un personnage de fiction que je m'imaginais découvrir un jour, peu importe dans quelle condition, l'histoire d'un serial killer cannibale de surcroît ne m'attirait pas plus que ça. Puis, je me suis surprise à m'intéresser à la série télévisée..., puis j'ai voulu découvrir le roman Dragon Rouge, sur lequel s'inspirent essentiellement les premières saisons de la série.

Dans ce roman, on suit Will Graham. Ancien agent du FBI, il fut celui qui traqua « L’Éventreur du Chesapeake », et découvrit son identité en la personne du docteur Hannibal Lecter, qu'il parvint à arrêter, après une violente confrontation. De cette rencontre avec l'assassin cannibale, Will Graham en garda des blessures physiques et des séquelles psychologiques qui l'incitèrent à quitter le FBI et à se retirer en Floride avec sa femme et son fils. Trois ans plus tard, Will Graham coule des jours paisibles avec sa famille, leurs nombreux chiens, et les bateaux qu'il répare, mais un jour, son ancien patron, Jack Crawford, vient lui rendre visite. Will se doute qu'il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie. En effet, Jack Crawford cherche à tirer Will de sa retraite pour aider le FBI à coincer un tueur en série particulièrement coriace que l'on surnomme « La Mâchoire » qui opère les nuits de pleine lune et qui a déjà massacré deux familles. Hanté par les souvenirs de son aventure avec Hannibal Lecter, Will ne se sent pas près à reprendre du service, mais Jack Crawford ne lui laisse pas le choix. Avec la promesse de ne pas travailler en première ligne mais dans l'ombre, Will enquête, aidé de son don très particulier qui lui permet de se glisser dans la peau de n'importe qui, même des criminels. Mais La Mâchoire se révèle être difficile à coincer, et le FBI ne voit d'autre choix que de demander de l'aide du docteur Lecter, qui se trouve toujours au centre de détention de Baltimore. Will Graham est celui qui a été chargé de le rencontrer...



Thomas Harris.
J'ai passé un bon moment avec ce roman, cependant il possède quelques lacunes et je commencerai par celles-ci pour terminer sur une note plus positive. Certains points m'ont en effet déplu dans ce roman, mais plus particulièrement la traduction. Déjà, l'assassin du roman est nommé The Tooth Fairy dans la version originale (soit La Fée des Dents/La petite souris, titre repris dans d'autres traductions françaises et dans le film de 2002), et le traducteur a eu ici l'idée étrange de traduire le titre par La Mâchoire. Certes, si on lit le roman, ce titre est plus adéquat et La petite souris est un étrange nom pour un tueur en série, mais j'avais été habituée à La petite souris. Mais ce n'est pas ce qui m'a le plus agacé dans la traduction. Elle est... correcte, dans l'ensemble, mais j'ai trouvé à de nombreuses reprises des fautes d'orthographe, des fautes de frappe, et des mots dont les lettres avaient été mélangées. On reconnaît le mot mais c'est surprenant de voir un mot dont les lettres ont été mélangées, comme si le traducteur avait frappé à la va-vite, ou avait tapé sans prêter attention. Ce point m'a irrité et surprise, d'autant plus que je n'avais jamais eu ce problème avec un ouvrage de Pocket.

L'histoire semble relativement banale de nos jours. Du policier, ce n'est pas ça qui manque, et le tueur en série est devenu un archétype classique dans les romans/films/séries du genre policier, cependant il faut savoir que ce livre a été écrit dans les années 1980, donc à une époque où le tueur en série n'était pas à la mode, que ce genre d'histoire n'avait pas encore été cuisiné à toutes les sauces, et où les technologies étaient différentes. On n'avait pas, dans les années 1980, les moyens et les technologies qu'on a de nos jours, notamment les analyses ADN, or le FBI n'a comme indice que le groupe sanguin du tueur. C'est peu pour retrouver le tueur ! D'où l'importance du don et de l'intuition de Will Graham... Cependant, c'est une histoire classique mais efficace, le premier roman à introduire un personnage désormais célèbre, l'assassin cannibale Hannibal Lecter. Cependant, parmi les agents du FBI à avoir approché le célèbre assassin, les gens auront davantage retenu l'agent Starling que Will Graham, or Will Graham est un personnage intéressant, qui mérite – je le pense – qu'on lui prête attention. Le roman ne l'a peut-être pas assez mis en valeur selon moi, ainsi je suis heureuse que la série de Bryan Fuller lui rende justice.

Will Graham est un ancien agent du FBI, tourmenté par sa rencontre avec Hannibal Lecter. Mais si Graham est hanté par le docteur, Lecter, lui, semble avoir un semblant d'affection pour l'ancien agent. Il lui écrit, lui avoue penser souvent à lui, lui parle avec bienveillance et annonce à Graham que si l'agent a réussi à l'attraper, là où tant d'autres avaient échoué, c'est parce que lui et Graham étaient pareils (Bryan Fuller, intrigué par ce fait, a tenté d'imaginer la relation entre les deux hommes et ce qui a pu se passer au moment de leur rencontre jusqu'à l'arrestation de Lecter, d'où la naissance de NBC Hannibal). Hannibal Lecter n'en demeure pas moins dangereux. Intelligent, cultivé et dangereux, voilà ce qu'il est et s'il n'apparaît pas souvent dans le roman, il prouve que même la prison ne l'empêche pas d'opérer au-dehors car, même en prison, Hannibal reste quelqu'un de rusé et de manipulateur. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la scène où il parvient à laisser une annonce codée dans le journal, pour La Mâchoire, et que le FBI se démène pour le décoder. Donc, Hannibal Lecter est présent, même lorsqu'il n'apparaît pas, à cause de l'impact qu'il a laissé chez Will. Son altercation avec l'assassin lui a laissé des traces, aussi bien mentales que physiques ! 

Pour revenir au personnage de Will, même si je trouve qu'il n'a pas été mis assez en valeur, je trouve qu'il est un personnage plutôt intéressant. Rares sont les flics, dans la fiction, qui ont été réellement traumatisés par une affaire, mais Will – bien que hanté – s'en est remis et n'a pas perdu ses capacités. En effet, Will est quelqu'un d'intelligent et en plus de posséder une mémoire photographique, il est capable de se mettre dans la peau de n'importe quel individu et de comprendre sa personnalité, comprendre comment il fonctionne. Ce don, que Will perçoit comme une malédiction, lui a beaucoup servi dans sa carrière au FBI puisqu'en se mettant dans la peau de criminels, il a su les percer et les attraper. Ajoutons à cela un peu de sarcasme, un homme profondément attaché à sa famille, hanté par Hannibal Lecter, malin mais aussi vulnérable, au risque de se perdre dans l'affaire de « La Mâchoire » … malheureusement, comme je l'ai écrit auparavant, je trouve que ce personnage, qui a pourtant du potentiel, n'a pas été assez mis en valeur et qu'au final, on n'en sait pas plus sur son histoire ou l'origine et la nature de sa relation avec Hannibal Lecter (c'est pourquoi je remercie le film de 2002 et la série de Bryan Fuller qui nous en livrent un peu plus, même si ça ne vient pas de Thomas Harris)



Le roman doit son titre à l'aquarelle
de William Blake "Le Grand Dragon
Rouge et la Femme vêtue de Soleil"
et l'obsession du tueur à son égard.
Un peu à la façon de Conan Doyle, l'auteur ne se contente pas de narrer les aventures de l'enquêteur dans son affaire, mais il consacre de nombreux chapitres à l'assassin où nous avons la possibilité de connaître sa personnalité, son histoire, pourquoi il agit ainsi, comment il agit. C'est étrange de ressentir de la pitié pour lui, en découvrant ses jeunes années, quand on voit les choses horribles qu'il fait. C'est comme donner un visage humain à tant d'horreurs, on voit comment une enfance bafouée a pu mener à ce que l'assassin est dans le roman. On le voit avec ses raisonnements d'assassin mais aussi comment il vit et agit en tant qu'homme de tous les jours, pour ne pas attirer l'attention sur lui. Des rares qui coutoient son quotidien, je me suis attachée à Reba McCane, une de ses collègues qui s'est rapprochée de lui. Elle est aveugle, mais finalement indépendante et loin d'être vulnérable car elle sait se débrouiller seule, elle est intelligente et loin d'être vulnérable, bien qu'elle-même sera profondément marquée par l'affaire de « La Mâchoire ».

Le style est froid, net, un peu d'action vient agrémenter l'enquête (les malheurs du journaliste trop fouineur Freddy Lounds, la traque de La Mâchoire, Lecter qui reçoit une lettre de l'assassin...), l'auteur a su créer des personnages complexes et intéressants ainsi qu'à nous offrir une histoire prenante, devenue un classique du roman noir. Le suspense est aussi de la partie, j'ai beau avoir vu le film avant, le suspense monte jusqu'à la fin et l'enquête tient en haleine et peut surprendre, pour ceux qui n'ont pas vu le film avant. Si l'histoire est prenante et bien écrite, c'est aussi du aux recherches de l'auteur sur les méthodes du FBI, et il ne laisse rien au hasard. Son tour de force incroyable, c'est de nous offrir un assassin aussi horrible que La Mâchoire, mais de nous le faire comprendre et de nous le rendre presque... sympathique, et c'est assez dérangeant. Un peu comme Hannibal dans la série, c'est un sale manipulateur, un vrai monstre, mais il est si cultivé, intelligent, charismatique, et au passé tragique, qu'il passe presque pour un personnage sympathique.

En somme, malgré les erreurs que j'ai pu trouver dans le texte (fautes, coquilles...), j'ai passé un bon moment avec ce thriller, l'enquête est intéressante, prenante, les personnages sont intéressants et complexes. Un bon roman du genre. Je ne pense pas lire la suite, car la relation entre Hannibal Lecter et Clarice Starling ne m'intéresse pas et que je plus plus attachée au personnage de Will, cependant je peux dire que j'ai passé un bon moment avec ce roman.





Dragon Rouge a été adapté trois fois. Deux fois au cinéma avec « Manhunter / Le sixième sens » et « Dragon Rouge », le film de 2002 avec Edward Norton dans le rôle de Will Graham et Anthony Hopkins dans le rôle d'Hannibal Lecter. La série NBC Hannibal, les premières saisons se présentent comme une préquelle de Dragon Rouge et reprend de nombreux éléments du roman, sauf qu'on a donné des seins à Freddy Lounds et Alan Bloom, qu'Hannibal Lecter a eu une poussée de croissance et un accent danois et Will Graham l'adorable bouille anglaise de Hugh Dancy (mais franchement, je ne vais pas m'en plaindre. Hugh Dancy et Mads Mikklesen jouent des Will Graham et Hannibal Lecter excellents !)

Extrait :

« Bien entendu, ajouta Crawford, il nous reste encore treize jours.
- Wah, Jack...
- Quoi, Jack ? dit Crawford.
- T'es pas croyable.
- Attends, je ne te suis pas très bien.
- Mais si. Il se passe que tu as décidé de te servir de moi comme appât parce que tu n'as pas d'autres atouts. C'est pour cela que tu me décris en détails la prochaine tuerie, histoire de me mettre en condition avant de me demander si je suis d'accord. Psychologiquement, ce serait assez habile si tu avais affaire à un débile. Qu'est-ce que j'allais répondre à ton avis ? Tu croyais que je n'avais plus rien dans le bide depuis mon histoire avec Lecter ? [...]
- Je savais que tu réagirais comme ça. »
Graham vit qu'il le pensait vraiment. « Mais ce n'est pas tout, n'est-ce-pas ? »
Crawford ne répondit pas.

17.

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