dimanche 31 août 2014

Sommaire : Films



[ 1 ... 10 ]

- 10e Royaume, le. (The 10th Kingdom)

A ]

- Agora.
Alexandre / Alexandre Revisited. (Alexander)
- Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne, les. (The Adventures of Tintin: The Secret of the Unicorn)

B ]

- Black Swan.

C ]

Château ambulant, le. (Howl's moving castle)
Cinq Légendes, les. (Rise of the Guardians)

D ]

Dame en noir, la. (The Woman in Black)
Dans l'ombre de Mary : La promesse de Mary Poppins. (Saving Mr. Banks)
- Dark Shadows.
Discours d'un roi, (le). (The King's Speech)

E ]

- / -

F ]

- / -

G ]

Grande Illusion, la.
- Good Morning England. (The Boat that Rocked)

H ]

- / -

I ]

- Inglourious Basterds.

J ]

- Joyeux Noël.

K ]

- / -

L]

- / -

M ]

- Maléfique. (Maleficent)
- Melancholia.
- Mon voisin Totoro. (My neighbor Totoro)

N ]

- / -

O ]

- / -

P ]

- Poulet aux prunes.

Q ]

- / -

R ]

- Rebelle. (Brave)
- Reine des neiges, la. (Frozen)
- Rite, le. (The Rite)

S ]

- Seigneur des anneaux : La communauté de l'anneau, le. (The Lord of the Rings: The Fellowship of the Ring)

T ]

- Tête en friche, la. (My Afternoons with Margueritte)
- Traversée du temps, la.

U ]

- Un monstre à Paris.

V ]

- / -

W ]

- / -

X ]

- / -

Y ]

- / -

Z ]

- / -

lundi 25 août 2014

Antigone - Jean Anouilh.


L'auteur :


Jean Anouilh (23 juin 1910 - 03 octobre 1987), est un écrivain et dramaturge français. Vivant et écrivant pour le théâtre, il est l'auteur d'une oeuvre théâtrale abondante, mais parmi ses œuvres, la plus connue reste Antigone, réécriture moderne de la pièce de Sophocle, écrite pendant l'Occupation allemande, et qui connu un succès, mais aussi une polémique, dès sa sortie.



Emprunt médiathèque.






Quatrième de couverture :

"L' Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre."

Mon avis :

C'est compliqué de parler d'un livre qu'on a lu en une après-midi, surtout qu'Antigone m'a laissé une impression étrange tout au long de ma lecture. Acclamée par de nombreux lecteurs sur la blogosphère, sans avoir aimé ou détesté, j'ai trouvé cette lecture à la fois étrange mais intéressante.

Antigone est la fille incestueuse qu’Œdipe a eu avec sa mère, Jocaste. À la mort d'Œdipe, ses fils – Etéocle et Polynice – se sont disputés le trône du père jusqu'à s’entretuer. Etéocle fut porté en héros à Thèbes tandis que Polynice est considéré comme le frère disgracieux, le traître, ainsi le corps est laissé à l'abandon, condamné à pourrir à la vue de tous, tandis qu'on offre des funérailles nationales à Etéocle. Toute personne qui tente d'approcher et d'enterrer le corps est condamnée à être emmurée vivante. C'est très significatif car dans la Grèce antique, il fallait réserver au défunt des funérailles pour honorer son corps et assurer son voyage dans l'au-delà. Tout personne non enterrée avec les rites ne pouvait trouver la paix, et cela condamne son âme à errer pendant l'éternité.

Antigone est un personnage étrange, elle se démarque des autres héroïnes mythiques. Elle n'est franchement pas jolie, elle est petite, maigre, peu coquette, elle ne parvient pas à vivre en paix. Même lorsque son oncle essaye de la sauver d'une mort certaine, de la condamnation, elle ne peut se résoudre à vivre une vie simple. Pour elle, la vie doit être intense, violente, passionnée. Comme le dit son oncle, Créon, elle ressemble à son père, Œdipe, de ce côté-là. Ils ne peuvent se contenter de vivre une vie simple car la vie est faite de passions. Au départ, elle brave les interdits pour enterrer son frère dignement, mais plus tard elle avoue qu'il s'agira moins pour son frère, car au final elle n'était pas si proche que ça de ses frères, mais plus parce qu'elle tient à faire jusqu'au bout ce qu'elle a décidé de faire, elle tient à le faire pour elle, parce qu'elle en a décidé ainsi. C'est une rebelle assez obstinée qui causera bien du soucis à son oncle qui essayera maintes fois de la sauver. C'est un personnage têtu, tenace, qui n'a pas peur d'affronter la mort. Elle assume et défend jusqu'au bout ses idées. 

Elle a souvent évoqué en mois admiration mais souvent perplexité ! Elle défend ses idées jusqu'au bout, se dit prête à recommencer sans cesse ses tentatives d'enterrer son frère, mais avoue ne pas avoir été si proche que ça de lui, qu'elle regrette aussi son fiancé, Hémon (fils de Créon), et l'enfant qu'ils n'auront jamais. Alors que son oncle essaye de la sauver, elle enfonce le clou. Même si c'est un acte de résistance, de volonté de garder son libre-arbitre là où les autres essayent de forger son jugement, sa manière de penser, il y a quand même un certain égoïsme dans cette bravoure, cette rébellion face à Créon pour son frère décédé. Elle regrette le futur qu'elle n'aura jamais, une vie heureuse avec Hémon, mais tient à mourir pour ses actes. Beaucoup de lecteurs ont écrit avoir détesté le personnage de Créon, moi au contraire je trouve qu'il a offert toutes les issues possibles à Antigone pour la sauver, et qu'il m'a paru être un personnage intéressant. Il est une figure de vieil homme épuisé et usé par les exigences de la vie, un homme trop bon pour être un tyran (même si à la fin, il n'a d'autres choix que de condamner Antigone, de toute façon ce n'est pas une surprise, la fin est annoncée dès le début), et j'ai beaucoup aimé ses dialogues avec Antigone qui ont dynamisé la pièce.

Outre le personnage d'Antigone, cette pièce est très moderne et pas seulement dans la façon dont elle a été écrite. Cette histoire est une reprise du mythe d'Antigone, cependant il y a des éléments qui me font demander si la pièce ne se situe pas dans le monde moderne puisque des personnages parlent de carte postale ou de prendre un café... est-ce un mythe grec transposé dans un univers plus contemporain ? Sans compter les thèmes modernes comme les idéaux et l'importance qu'on accorde à ces idéaux, au point de s'y consacrer, de se sacrifier, cela m'a amené à me demander dans quel contexte cette pièce a été écrite car il est clair que le contexte historique a joué son importance dans l'écriture de cette pièce. J'ai appris plus tard que cette pièce date de 1942, soit en pleine occupation allemande, une période durant laquelle la Résistance s'affirme et les déportations massives de juifs également. Ce qui expliquerait donc les réflexions qu'on peut trouver dans l’œuvre sur les idéaux, la société, la vie, la mort et qu'Antigone, en elle-même, est considérée comme une figure de la Résistance car elle tient beaucoup à ses idéaux et s'y accroche jusqu'à la mort... car mine de rien, cette œuvre apporte quelques réflexions qui donnent à réfléchir ! C'est assez moderne, et pourtant le côté ancien de ce mythe s'accorde avec cette modernité, ce récit très actuel.

Cette œuvre m'a parfois laissé perplexe, mais elle est intéressante à lire. Antigone se rebelle contre la passivité de la vie,le temps qui passe et qui tue la passion de la vie, elle se rebelle contre les codes et les lois ; elle se réveille en enfant au début de l’œuvre et meurt en tant que femme, en ayant défendu ses idéaux jusqu'au bout. Le contexte historique dans lequel a été écrite cette œuvre est aussi important à discerner. L'auteur décrit aussi bien les sentiments humains. 

Extrait :

CREON

[…] Marie-toi vite, Antigone, sois heureuse. La vie n'est pas celle que tu crois. C'est une eau que les jeunes gens laissent couler sans le savoir, entre leurs doigts ouverts. Ferme tes mains, ferme tes mains, vite. Retiens-là. Tu verras, cela deviendra une petite chose dure et simple qu'on grignote assis au soleil. Ils te diront tous le contraire parce qu'ils ont besoin de ta force et de ton élan. Ne les écoute pas. Ne m'écoute pas quand je ferais mon prochain discours devant le tombeau d'Etéocle. Ce ne sera pas vrai. Rien n'est vrai que ce qu'on ne dit pas...

Ce billet est une participation aux :


samedi 23 août 2014

L'Iliade - Homère.


L'auteur :

Homère, (du grec ancien Ὅμηρος / Hómêros), est le plus ancien poète qui nous soit connu. Aède (poète) de la fin du VIIIe siècle av JC, on lui reconnaît la paternité de L'Iliade et L'Odyssée, deux longs poèmes appartenant au genre de l'épopée, et qui ont longtemps été transmis par voie orale, de génération en génération. Le mystère plane encore aujourd'hui autour d'Homère : on ignore sa ville natale, sa date de naissance, sa date de mort, la paternité de ses œuvres, jusqu'à son existence même puisqu'il est difficile de savoir avec certitude si Homère fut un une personnalité historique ou plusieurs auteurs autour d'une seule identité construite ! Néanmoins, la place d'Homère dans la littérature grecque et même antique reste majeure, et qu'il est le principal représentant du genre épique, et qu'il a traversé les siècles de par ses deux œuvres magistrales.

Emprunt bibliothèque fac.


Quatrième de couverture :

Prélude, chant 1 - "Chante, déesse, la colère d'Achille, le fils de Pelée ; détestable colère, qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières de héros, tandis que de ces héros mêmes elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel - pour l'achèvement du dessein de Zeus. Pars du jour où une querelle tout d'abord divisa le fils d'Atrée, protecteur de son peuple, et le divin Achille."

Mon avis :

Alors, L'Iliade. Toute une histoire. Je connaissais les grandes lignes de l'histoire sans l'avoir lu et après l'avoir souvent croisé en cours. J'ai lu quelques critiques sur ce livre, et à leur lecture et au vu de certaines adaptations de l’œuvre, Hector me paraissait être le chouchou de beaucoup, et Achille vu comme une petite brute. Au final, et même si j'ai eu du mal à entrer dans le livre (mais ça, c'est ma faute, lire le premier chapitre, puis m'en désintéresser, tenter une nouvelle lecture alors que je n'étais plus d'humeur, puis comme pour L'appel du coucou, je me suis forcée à lire 50-100 pages tous les jours puis j'ai fini par m'attacher à l'histoire, son écriture et ses personnages), j'ai fait une excellente découverte et j'ai été surprise par l'écriture et certains personnages !



Achille pansant Patrocle,
kylix, 500 av JC.
Tout d'abord, L'Iliade, qu'est-ce que ça raconte ? On connaît tous, au moins, l'origine de la guerre: La déesse de la discorde, n'ayant pas été invitée au mariage de Pélée et Thétis (les parents d'Achille), décide de se venger en donnant à Pâris, prince de Troie, une pomme d'or qu'il devait donner « à la plus belle ». Trois déesses, Héra, Athéna et Aphrodite, se disputent la pomme et proposent à Pâris de le bénir avec ce qu'il souhaite s'il offrait la pomme à l'une d'entre elles. Pâris choisit Aphrodite et pour le remercier, la déesse lui offre l'amour d'Hélène, la plus belle femme du monde grec. Problème : Hélène est mariée au roi de Sparte, Ménélas. Cela n'a pas l'air de gêner Pâris plus que ça puisqu'il kidnappe la belle et l'emmène à Troie. Furieux, Ménélas et les grecs déclarent la guerre et décide d’assiéger Sparte. La guerre dure depuis dix ans lorsque commence le récit de L'Iliade et elle ne s'annonce pas bien pour les Grecs. En effet, obligé de rendre une femme qu'il a kidnappé d'un temple, Agamemnon – frère de Ménélas – décide de ravir à Achille une femme qu'il s'était approprié. Achille, obligé d'obéir, laisse donc partir la belle Briséis mais décide, en représailles, de ne plus prendre part au combat. C'est ainsi qu'il se retire du combat, suivi de son peuple, les Myrmidons, et son ami Patrocle. Grosse erreur que ce fut pour Agamemnon car Achille, fils d'une déesse et béni par les dieux, était le héros des Grecs et leur soldat le plus fort. Du côté des Troyens, le héros, c'est Hector, prince de Troie et frère de Pâris, béni par le dieu Apollon qui l'aide à sortir indemne des combats.

Évidemment, sans Achille, la guerre est un fiasco pour les Grecs et leurs alliés qui se font écraser à plate couture. Alors que les Troyens gagnent du terrain, les Grecs tentent de persuader Achille de revenir au combat mais rien n'y fait... Il faudra un coup du sort funeste pour persuader Achille de reprendre les armes... je m'arrête là, parce que je n'ai pas envie de raconter tout le livre et risquer de « spoiler » (même si c'est une histoire vieille comme le monde et que beaucoup, s'ils sont intéressés par la mythologie, devraient connaître ^^). Aussi, L'Iliade prend fin avant la fin de la guerre de Troie, donc si vous voulez lire cette œuvre, ne vous attendez pas à lire l'épisode du cheval de Troie, ni de voir beaucoup Ulysse qui, s'il fait bien parti du lot qui combattent contre les Troyens, n'est pas beaucoup présent et ne fait pas grand chose à part jouer les sages et se prendre des coups pendant les batailles... Non, ici, les héros de l'histoire, ce sont : Hector, Achille, Ajax, Patrocle majoritairement ainsi que les divinités qui sont omniprésentes. Il y a celles qui défendent les Grecs (Héra et Athéna, parce que Pâris ne leur a pas donné la pomme, donc les deux vengeresses veulent lui faire la peau, Poséidon aussi à un moment met en déroute les Troyens) et celles qui défendent les Troyens (Apollon, Aphrodite parce que elle, elle a eu la pomme), et Zeus dans tout ce bazar qui espère être neutre mais qui penche parfois en fonction d'un camp à la demande d'un personnage, même si la vérité c'est que tout est déjà prévu d'avance pour lui. Il sait qui va mourir, qui va faire quoi... donc s'il intervient, c'est pour s'assurer du bon déroulement des choses. Car tout est prévu d'avance !

Mais bon, autant dire que c'est un joyeux bordel et que, même si les hommes se battent, tout vient de la volonté des dieux. Au fur et à mesure que je lisais les combats, il me paraissait de plus en plus clair que c'étaient les dieux qui menaient la danse. L'un pouvait ramollir le courage d'un soldat, l'autre pouvait exciter un autre soldat à la bataille, ou lui souffler quoi faire, ou dévier un javelot de sa trajectoire d'un souffle. J'ai souvent eu l'image de dieux se servant des soldats comme de poupées avec lesquelles on joue à la guerre avec d'autres personnes et qui essayait de gagner. Les dieux se battent entre eux, et la guerre de Troie est leur champ de bataille. S'ils cherchent à faire gagner un camp, ce n'est pas pour les hommes, c'est pour eux-même. Héra et Athéna cherchent à se venger, Apollon et Aphrodite veulent protéger leurs chouchous, et Héra et Athéna ne manquent pas d'ardeur, et Héra est rusée et cruelle, capable de jouer des tours, pour tromper son mari qui veille à ce que tout se déroule comme prévu. Puis d'un côté, c'est amusant de les voir se disputer, c'est comme une dispute de famille mais en pire. Athéna fait pleurer Artémis qui va pleurer sur les genoux de papa, Athéna est furieuse parce qu'elle n'est plus la préférée de papa, Arès et Athéna se disputent comme frère et sœur, disputes conjugales entre Zeus et Héra... un joyeux capharnaüm chez cette famille très dysfonctionnelle!

Pour revenir aux mortels, arrogants et belliqueux comme les dieux, certains se révèlent
Couverture de l'édition
jeunesse, que  j'aime beaucoup.
être des êtres hors du commun (Hector, Achille, Patrocle...), ils ont des caractères et des qualités très humaines, mais il y a chez eux quelque chose de divin qui fait qu'ils dépassent les autres hommes, par leur force, leur ingéniosité... Patrocle, alors absent sinon discret pendant la première partie du livre, se révèle être un homme qui possède l'amitié et l'extrême confiance d'Achille, le seul que le héros grec voudra bien écouter, mais qui est aussi un combattant hors pair et très efficace [ il faut plusieurs divinités pour permettre à Hector de le tuer, c'est pour dire ! ], Achille s'est révélé être quelqu'un d'attachant, et de sensible, mais aussi redoutable. Hector m'a parfois semblé arrogant mais il est difficile de rester de marbre quand on voit quel brillant chef de guerre il fait, et son attachement à sa famille, malgré les bêtises de Pâris. Ah, en revanche, aucune sympathie pour Pâris, surtout au début du livre... et je déplore le peu de présence d'Ulysse, mais il se rattrape dans l'Odyssée, et malgré leurs défauts j'ai bien aimé Ménélas et Agamemnon, ainsi que ce pauvre roi Priam, ainsi qu'Andromaque. Hélène m'a laissé parfaitement indifférente.


J'ai été agréablement surprise par l'écriture d'Homère au fur et à mesure de ma lecture car Homère a une écriture très imagée. Il peut parler des éléments (une tempête par exemple) ou d'animaux violents ou majestueux pour comparer, pour refléter l'intensité d'un combat, les gestes d'un personnage, la violence des combats, la mort... c'est très intéressant et poétique à la fois, ce qui devait être très bien rendu à l'oral, et je me demande si je vais retrouver cette même écriture imagée dans L'Odyssée. Voici d'ailleurs un exemple :


Comme l'eau de la mer, enflée par les vents qui soufflent avec véhémence du milieu des nuées, assiège une nef rapide et la couvre tout entière d'écume, tandis que le vent frémit dans la voile et que les matelots sont épouvantés, parce que la mort est proche ; de même le cœur des Achéens se rompait dans leurs poitrines.
(Chant XVI)

Il est d'autant plus intéressant de voir que de nombreux personnages sont suivis par un qualificatif : Héra aux bras blancs, l'ingénieux Ulysse, Athéné aux yeux de chouette, Achille aux pieds agiles, Diomède le dompteur de chevaux, Hélène à la chevelure dorée... J'ai été donc charmée par l'écriture, en même temps que l'histoire. Pourtant, Dieu sait à quel point ce livre a exigé de moi une bonne dose de concentration et de patience, surtout quand Homère nous raconte la (longue) généalogie d'un personnage, et les combats sont nombreux aussi.


Ce qui est logique car l'Iliade, ça parle de la guerre et pas n'importe laquelle, la guerre de Troie, mais pas que ! L'Iliade ne se limite pas qu'à raconter des batailles, car c'est aussi une histoire de soldats et des codes d'honneurs de la guerre et des règles à respecter : par exemple, quand un soldat en tue un autre, il prend son armure et ses armes comme trophées, mais il laisse le corps tranquille pour permettre aux camarades du défunt d'emporter le corps pour lui réserver les funérailles qu'il mérite car le respect aux morts et les funérailles sont très important dans le monde grec. Ne serait-ce que pour permettre au défunt d'entrer en un seul morceau dans le monde des morts, mais aussi parce que les Grecs organisent des fêtes, des jeux et des banquets en l'honneur du défunt [ exemple des funérailles de Patrocle ], mais le deuil est aussi assez spectaculaire : on s'arrache les cheveux, on pleure, on hurle, on se tape la poitrine... comme cela se faisait dans l'Antiquité grecque. Ce livre, c'est donc un moyen de comprendre un peu les mœurs du monde grec, même si ici c'est à la guerre et dans la mort, et aussi un peu la religion car les divinités sont omniprésentes et que les hommes les respectent et les craignent et font de nombreux sacrifices et offrandes. C'est donc aussi une histoire d'hommes (et femmes aussi) qui aiment et qui souffrent à cause de la guerre, qui sont confrontés à la perte d'un être cher [ Achille vis à vis de Patrocle, Priam et Andromaque pour Hector... ] Une véritable épopée tragique dans laquelle la destinée des hommes est tracée dès le début...

En résumé : Il m'a fallu beaucoup de patience et de concentration pour avancer dans cette épopée et l'apprécier, cette histoire s'est révélée être une véritable épopée tragique mais intéressante, avec des personnages et des héros hors du commun, qui aiment, qui combattent, qui souffrent. L'écriture d'Homère est très imagée et très appréciable, et nous permet, à travers son histoire, de nous révéler un peu du monde grec. Après, j'essaierai de voir vers quelle oeuvre me tourner pour lire la fin de la guerre de Troie, ainsi que l'épisode du cheval. Je terminerais mon avis avec cette citation que j'ai trouvé et qui, je trouve, résume bien l'oeuvre : "Pour vaincre à la guerre, il faut savoir tuer. Quant aux dieux, qu’ils prennent plutôt pitié des hommes et les laissent vivre en paix."

Extrait :

[...] La noire nuée de la douleur enveloppa Achille, et il saisit de ses deux mains la poussière du foyer et la répandit sur sa tête, et il en souilla sa belle face ; et la noire poussière souilla sa tunique nektaréenne ; et, lui même, étendu tout entier dans la poussière, gisait, et des deux mains arrachait sa chevelure. Et les femmes, que lui et Patrocle avaient prises, hurlaient violemment, affligées dans leur cœur ; et toutes, hors des tentes, entouraient le belliqueux Achille, et elles se frappaient la poitrine, et leurs genoux étaient rompus. Antiloche aussi gémissait, répandant des larmes, et tenait les mains d'Achille qui sanglotait dans son noble cœur.
Et le Nestôride craignait qu'il se tranchât la gorge avec l'airain.

Chant XVIII.


Ce billet est une participation aux :



dimanche 17 août 2014

La Maison du Péril - Agatha Christie.



Du même auteur :


La mystérieuse affaire de Styles.






Quatrième de couverture :

Un tableau qui se décroche à la tête d'un lit, un rocher qui dévale une falaise et s'écrase sur le sentier, les freins d'une voiture qui lâchent, une balle perdue... Qui en veut à la vie de Miss Buckley ? Hercule Poirot n'aura de cesse de démasquer le coupable...


Mon avis :

Après Meurtre en Mésopotamie, je croyais en avoir fini avec Hercule Poirot pour plusieurs mois au moins, avant de lire une autre de ses aventures, mais finalement, j'ai décidé de lire une de ses aventures, comme Hercule Poirot refusait de quitter ma tête... comme l'a dit le vampire aigri, un détective belge, c'est fourbe ! (et pas modeste en plus, surtout dans ce roman !)

La Maison du Péril est la huitième aventure d'Hercule Poirot, narrée cette fois-ci par son ami le capitaine Hastings, et je ne me lasse pas des aventures du petit détective belge à l’ego démesuré et à la drôle de moustache. Dans cette aventure, Poirot et Hastings sont en vacances à St Loo et le détective profite pleinement de sa retraite... jusqu'à ce que, après une discussion avec la charmante miss Buckley, il ne découvre une balle de revolver à ses pieds, et le chapeau oubliée de la jeune femme troué. Pas de doute, la jeune femme a failli être assassinée. Cette découverte est encore plus alarmante quand miss Buckley leur raconte qu'elle a déjà été, par trois fois, victime d'accidents qui ont failli s'avérer fâcheux pour elle. Simples accidents ou tentatives de meurtres? Hercule Poirot décide de s'intéresser de près à cette affaire et à la jeune Nick Buckley. Qui veut l'assassiner et pourquoi? Elle est orpheline, n'a pas de famille proche, elle ne possède qu'une vieille maison hypothéquée que l'on surnomme « La maison du péril » qu'elle partage avec trois amis: un antiquaire nommé Lazarus, son amie Freddie Rice, et le professeur Challenger qui a un faible pour la jeune Buckley. À priori, il n'existe aucun motif qui justifierait qu'on assassine Nick Buckley, cependant Hercule Poirot est prêt à s'investir à fond dans l'affaire afin d'avoir le fin mot de tout cela... et afin d'éviter que la cinquième tentative d'assassinat ne soit fatale à miss Buckley...



Hercule Poirot (David Suchet) et Arthur
Hastings (Hugh Fraser) d'après la série
Agatha Christie's Poirot.
Ce roman est une excellente surprise, je ne m'attendais pas à grand chose en l'ouvrant, une enquête intéressante certes mais sans plus... mais j'ai été agréablement surprise, et bluffée par la tournure des événements et le fin mot de l'affaire. L'affaire paraît simple au premier abord: une jeune femme victime de tentatives d'assassinat, mais qui paraissent pour être des accidents (un tableau au dessus du lit qui tombe, les freins de la voiture déréglés, un rocher qui tombe d'une falaise), même si à priori, il n'y a aucun motif permettant de justifier qu'on attente à la vie de la victime puisqu'elle n'est pas riche, n'a plus de famille proche, est célibataire, que la maison qu'elle habite est hypothéquée... aucune raison de provoquer la jalousie, l'envie ou un esprit de vengeance. Mais l'affaire va s'approfondir au fil des pages, de façon subtile (un certain personnage, à priori sans aucun lien avec l'affaire, qui est souvent mentionné, l'arme à feu et le testament de miss Buckley qui disparaissent soudainement, les voisins trop gentils pour être vrais), on attend que le responsable cherche une nouvelle fois à atteindre son but tandis que Poirot (et Hastings, même s'il fait surtout ici office de bel accessoire à transporter) interroge les voisins, les amis qui habitent la maison, le jardinier et sa famille afin d'en savoir plus et de trouver d'éventuels succès et un éventuel motif.

Tout se construit au fur et à mesure. Bien entendu, on ne devine pas le fin mot de l'affaire avant que Poirot ne le révèle de façon théâtrale [ bien que la séance de spiritisme... juste après l'annonce du testament de Nick Buckley, j'ai trouvé que ça tombait un peu comme un cheveu dans la soupe ! ], mais sincèrement, j'ai été bluffée ! Je m'attendais à tout sauf à cette conclusion ! [ même si, la victime qui est en fait la responsable, c'est un schéma que l'auteur a déjà repris dans ses romans, mais amené de cette façon, c'était ingénieux et bien trouvé ! Je me suis laissée berner jusqu'à la fin ]. J'ai été aussi surprise de voir l'inspecteur Japp, je ne m'attendais pas à le voir dans cette aventure mais je ne vais pas m'en plaindre, parce que je commence à me prendre d'affection pour ce personnage. Il apporte la touche divertissante du roman, au même titre que l'ego démesuré de Poirot (et ses chevilles enflent dans ce roman, quand il parle de lui ! Au moins, il ne risque pas de souffrir de manque d'amour propre !)

Toujours au niveau des personnages, je déplore qu'Hastings ne soit pas vraiment utile et qu'il se limite à son rôle de narrateur, à se demander pourquoi Poirot se le trimbale avec lui dans ses affaires, si ce n'est à cause de son amitié et son esprit romantique qui le diverti. Au moins, il ne s'est pas vraiment ridiculisé dans ce roman, au contraire ! Hastings a montré ici qu'il ne se laissait pas toujours faire quand Poirot le taquinait ou se plaignait de ses manières ou son esprit imagé et romantique, ses piques avec Poirot ont pimenté ce roman pour mon plus grand plaisir. Hastings a aussi eu son bref moment d'utilité en lançant quelques réflexions, et paroles d'apparence anodines, qui feront réfléchir Poirot. Ça m'a fait momentanément plaisir de le voir utile, pour une fois, même si, franchement, s'il faut attendre que ce brave garçon ait la fièvre pour avoir quelques éclairs de génie, soit disant parce que la montée de la température stimule l'intellect, autant me mettre à souhaiter que ce brave capitaine soit malade quand il enquête avec Poirot. Ce n'est pas qu'il soit débile, ce garçon, c'est juste, comme le dirait Poirot, quelqu'un d'honnête et droit dont l'esprit et les morales sortent tout droit de l'ère victorienne. Donc, un moment de respect pour ce brave garçon, parce que quelqu'un d'aussi droit et honnête qu'Hastings, ça ne se fait plus de nos jours ! En revanche, j'ai eu un CHOC d'apprendre l'impensable : Hastings a une moustache ! Un choc pour moi, puisque je l'imaginais avec la bouille imberbe et bien britannique d'Hugh Fraser ! Mais ce n'est qu'un détail...

Miss Buckley m'a également, moyennement plu, c'est une jeune femme charmante mais jeune et écervelée. Elle ne prend pas ces tentatives d'assassinat au sérieux au départ, et agacera plus d'une fois Poirot en prenant l'affaire à la légère. Néanmoins, ce choc des mentalités – celle de Poirot, et celle plus inconsciente de Buckley – est intéressant à voir ! Voir Poirot agacé et déconcerté par le comportement inconscient de la jeunesse, et s'apercevoir qu'il n'est pas connu des jeunes, et que, décidément, la jeunesse, ce n'est plus ce que c'était ! C'était amusant à voir. Il était aussi intéressant de noter quelques petites références à Sherlock Holmes (quand un personnage compare Hastings au docteur Watson, ou qu'une anecdote révèle qu'en 1893, Hercule Poirot a subi un échec cuisant lors d'une affaire qui impliquait une boîte de chocolat, et que dès que Poirot commençait à trop se vanter, Hastings devait le calmer avec les fameux mots « boîte au chocolat » … ce qui rappelle une certaine enquête de Sherlock Holmes et du fameux mot « Norbury »).

En résumé : un bon roman policier, l'affaire - à priori simple - se révèle intéressante, on avance en douceur mais sans lenteur. Hercule Poirot demeure incroyable et impayable, avec sa drôle de petite moustache, ses manières occidentales confrontées aux mœurs anglaises, son amour propre, ses étonnantes cellules grises. La conclusion de l'affaire est bluffante, et l'humour anglais délicieux, comme toujours !


Extrait :

- Dites-moi, Poirot, demandais-je néanmoins, n'êtes-vous jamais tenté de reprendre vos activités ? Cette vie oisive...
- ... me convient à merveille, mon bon ami. Se prélasser au soleil, connaissez-vous rien de plus agréable ? Descendre de son piédestal au comble de la gloire, est-il geste plus sublime ? Les foules disent de moi : "Cet homme, là, c'est Hercule Poirot ! ... Le grand..., l'unique ! ... Il n'y en avait jamais eu un comme lui, et il n'y en aura jamais plus !" Voilà qui me suffit. Je ne demande rien de plus. Je suis modeste.

Modeste n'était pas le mot que j'aurais employé. J'eus l'impression que la vanité de mon compagnon n'avait pas diminué avec les années, bien au contraire. Ronronnant presque d'autosatisfaction béate, il se renversa dans son fauteuil tout en caressant sa moustache.

1. L'hôtel Majestic.

vendredi 15 août 2014

La guerre de Troie n'aura pas lieu - Jean Giraudoux.



L'auteur :



Jean Giraudoux, (1882 - 1944) de son nom complet Hippolyte Jean Giraudoux, est un diplomate et écrivain français. Soldat pendant la première guerre mondiale, il occupa après la guerre la fonction de diplomate, tout en écrivant ses ouvrages. Il s'est notamment illustré dans l'écriture de pièces de théâtre dont les plus connues demeurent : Électre, Amphytrion 38 et La guerre de Troie n'aura pas lieu.


Emprunt médiathèque.





Quatrième de couverture :

Hélène, enlevée par Pâris, est réclamée par les Grecs. Mais la plupart des Troyens, fascinés par sa beauté, refusent de la rendre. D'âpres négociations s'ensuivent. Les partisans de la paix l'emporteront-ils ? Avec cette relecture de la mythologie antique, Giraudoux s'adresse aussi à ses contemporains : en 1935, la Première Guerre mondiale est encore dans les mémoires. Et la pièce, qui interroge le caractère éternel des conflits armés, fait surgir la menace d'une nouvelle tragédie, peut-être imminente.

Mon avis :

Je cherchais, ces derniers temps, quelques lectures que je pourrais compter pour le challenge Grèce antique, or, je n'avais plus lu de pièces de théâtre depuis un moment et l'Antiquité grecque, ce n'est pas ça qui manque chez les pièces de théâtre, qu'elles soient antiques ou plus contemporaine. 

J'ai choisi ce titre, que je connaissais déjà pour l'avoir plusieurs fois croisé dans la blogosphère. Initialement, je croyais que l'auteur avait revisité le mythe grec de la guerre de Troie et que cette œuvre racontait comment la guerre de Troie avait pu être évitée et comment la situation évoluait pour les personnages, alors que la catastrophe avait été évitée. En réalité, je me suis aperçue au fil de ma lecture que: oui, l'auteur a bien revisité ce mythe, et que, non, ce livre ne nous plonge pas dans un univers où la guerre a été évitée mais dans lequel des personnages essayent de l'éviter, pour le bien de tous. Parmi eux, et avant tout, Hector, prince de Troie et frère du petit inconscient qui s'est dit que ce serait une bonne idée de piquer la femme du roi Mélénas, soit la belle Hélène.

Hector m'a beaucoup plu comme personnage. Au début de la pièce, il rentre à peine d'une guerre lorsqu'il revient à Troie et apprend que sa femme attend son enfant, et que Pâris a emmené Hélène à Troie. Je l'ai trouvé très sage, très pacifiste, sensé, proche de sa famille, c'est lui le premier qui tente de faire bouger les choses, de persuader Hélène de rentrer en Grèce, et par des mots légers et un peu d'humour, il évoque des thèmes très profonds comme la guerre, le genre humain et sa façon de fonctionner, le pacifisme, le destin, la fatalité. À l'inverse, son frère Pâris nous est présenté comme un amant jaloux et possessif, un jeune homme léger, irresponsable. Andromaque, épouse modèle dans l'acte I, se manifeste davantage dans l'acte II en essayant de persuader Hélène de partir ou au moins d'aimer Pâris, histoire que ça justifie au moins la guerre car Hélène n'aime pas Pâris. Autant dire que c'est presque par caprice, et non par amour, qu'elle l'a suivie à Troie.

À l'inverse, je n'ai eu aucune empathie pour Hélène. Elle n'est pas écrite de façon à attirer la sympathie, et ma sympathie elle ne l'a pas. Elle est ici décrite comme une femme manipulatrice, qui fait comme si elle obéissait à Pâris (elle fait ce qu'il lui dit de faire, dit ce qu'il lui dit de dire), alors qu'elle se sert en réalité de la faiblesse des hommes à son égard. Qu'il y ait la guerre à cause d'elle, elle n'y accorde guère d'importance. Ce qui l'intéresse, c'est de voir comment vont évoluer les choses alors qu'elle choisit de demeurer à Troie. Elle est désirable et irrésistible et elle le sait, elle en profite, elle joue sur sa beauté. Pour certains à Troie (les femmes), Hélène n'apporte rien et n'apportera rien que des ennuis mais pour d'autres (le roi Priam, Pâris, les vieillards), il faut garder Hélène, pourquoi la rendre aux Grecs puisqu'elle se plaît à Troie ? Tous se pâment devant elle et Hélène joue et profite de son charme. C'est assez dérisoire de voir Priam et les vieillards se pâmer devant Hélène... ça l'est moins quand on sait que Priam est roi et que les vieillards font parti du conseil de Troie... ça s'annonce mal pour la cité antique !

Cet ouvrage, c'est aussi une véritable réflexion sur la guerre. Il faut savoir que Giraudoux a écrit cette pièce en 1935, durant l'entre deux guerres, à l'époque où la menace d'une nouvelle guerre gronde et que pourtant, on cherche à l'éviter, ou on ne fait rien pour l'empêcher d'arriver. Comme dans les années 1930. L'Europe est tendue, Hitler agite le continent, le monstre nazi s'approche mais personne ne fait rien et les gouvernements d'Europe laissent venir la catastrophe. Ici, deux camps s'opposent : les pacifistes (Hector, les femmes de Troie) et ceux qui veulent garder Hélène, quitte à se battre contre les Grecs (Priam, le conseil, Pâris, les intellectuels). Chacun cherche à faire passer l'autre dans son camp. Mais évidemment, on finit par se douter que l'instinct destructeur des hommes va finir par prendre le dessus et que la guerre se fera, au mépris des conséquences. Il y a un véritable parallèle entre la guerre de Troie et la seconde guerre mondiale. Giraudoux a vécu la première guerre mondiale et il a ré-adapté le mythe de la guerre de Troie en s'inspirant de l'entre deux guerres et les prémisses de la seconde guerre mondiale. Il nous montre les ressemblances, et elles sont flagrantes, on sent très bien que Giraudoux s'inspire de son époque.

Cette pièce offre une réflexion très intéressante sur la guerre, sur le prix de la guerre, sur l'illusion de l'héroïsme. Le thème de la guerre ouvre et ferme la pièce, il la rythme. Les pacifistes cherchent à l'éviter, mais au final, il y a cette réflexion sur l'être humain, et comment la guerre est constitutive de l'être humain, dans le langage ou même le désir, l'auteur fait d'ailleurs un parallèle entre la guerre et le désir, d'ailleurs c'est d'autant plus flagrant car il y a cet extrait assez révélateur où la petite Polyxène demande à sa mère à quoi ressemble la guerre, et sa mère, Hécube, lui répond: « à ta tante Hélène ».

Malgré ces réflexions sur la guerre, j'ai eu l'agréable surprise de trouver un peu de comique dans cette pièce, notamment lors des passages mettant en scène les épithètes, où nos personnages s'entraînent à s'envoyer des insultes car insulter quelqu'un, c'est le provoquer, et c'est ce qu'il faut s'il faut se préparer à la guerre. Or, les Troyens s'avèrent moins doués dans ce domaine que les grecs, alors ils s'entraînent à se trouver les pires insultes pour provoquer l'autre et l'inciter au duel (un peu du style: « Mais voyons Pâris, trouve mieux que ça ! Cherche ce qui peut m'atteindre ! Quels sont mes défauts à ton avis ? » et Pâris de répondre à Demokos « Tu es lâche, tu as l'haleine fétide et tu n'as aucun talent ! » ce à quoi, Demokos lui répond avec amour « Tu veux une gifle, sale gamin ? » puis Pâris « Je dis ça pour te faire plaisir, tu sais... »). 

Au final, ce qui devait arriver arriva : la guerre de Troie va avoir lieu, et ce par la volonté (ou plutôt le caprice) des dieux de l'Olympe : Aphrodite, déesse de l'amour, jure que si Grecs et Troyens cherchent à séparer Pâris et Hélène, la guerre aura lieu – Athéna, déesse de la guerre et de la sagesse, dit que si personne ne cherche à séparer le couple et à rendre Hélène aux Grecs, la guerre aura lieu – et Zeus, roi de l'Olympe, raconte qu'il faut séparer Pâris et Hélène tout en ne les séparant pas, et que les négociateurs doivent faire en sorte qu'il n'y ait pas la guerre, sinon Zeus jure qu'il y aura la guerre (un peu contradictoire le bonhomme et difficile à satisfaire mais à l'époque, si tu essayes de contester la volonté du dieu, tu te prends un éclair en pleine tronche ou une vie de misère pourrie par les dieux de l'Olympe. Toute divinité au mauvais caractère puisse-t-il être, c'est jamais bon de mécontenter le roi de l'Olympe et dieu de la foudre !)


Mais au final, j'ai été surprise par cette pièce de théâtre. L'auteur a su mélanger mythe et modernité avec brio, avec une écriture moderne, avec des métaphores et de nombreuses références ; le parallèle qu'il fait sur la seconde guerre mondiale, l'entre deux guerres et la guerre de Troie est vraiment intéressant à découvrir, ça permet de comprendre l'époque et les mentalités de l'époque durant laquelle a été écrite cette pièce. C'est une pièce brillante, intéressante à découvrir, je serais curieuse de lire les autres pièces de l'auteur !

Extrait :

LE GÉOMÈTRE. Avant de se lancer leurs javelots, les guerriers se lancent des épithètes... Cousin de crapaud, se crient-ils ! Fils de bœuf... Ils s'insultent, quoi ! Et ils ont raison. Ils savent que le corps est plus vulnérable quand l'amour-propre est à vif. Des guerriers connus pour leur sang-froid le perdent illico quand on les traite de verrues ou de corps thyroïdes. Nous autres Troyens manquons terriblement d'épithètes. [...]

DEMOKOS. Adopté ! Nous leur organiserons un concours dès ce soir.

PÂRIS. Je les crois assez grands pour les trouver eux-mêmes.

DEMOKOS. Quelle erreur ! Tu les trouverais de toi-même, tes épithètes, toi qui passes pour habile ?

PÂRIS. J'en suis persuadé.

DEMOKOS. Tu te fais des illusions. Mets-toi en face d'Abnéos et commence.

PÂRIS. Pourquoi Abnéos ?

DEMOKOS. Parce qu'il prête aux épithètes, ventru et bancal comme il est.

ABNÉOS. Dis donc, moule à tarte !

Acte II, scène 4.

Ce billet est une participation aux :


samedi 2 août 2014

Dragon Rouge, de Thomas Harris.

L'auteur :

Thomas Harris, né le 11 avril 1940, est un auteur américain spécialisé dans le thriller. Il entretient des rapports étroits avec le FBI, et plus particulièrement la Division des Sciences Comportementales de l'académie de Quantico (Virginie), chargée des affaires de tueurs en série, ce qui permit à l'auteur d'obtenir les informations dont il avait besoin pour ses livres. Il est principalement le créateur du personnage d'Hannibal Lecter, cannibale et tueur en série, auquel il consacra quatre thrillers : Dragon Rouge, Le Silence des Agneaux, Hannibal, et Hannibal Lecter : Les Origines du Mal, qui eurent droit à leurs propres adaptations au cinéma, avec Anthony Hopkins dans le rôle d'Hannibal. Plus récemment, la chaîne américaine NBC a repris les personnages de Thomas Harris pour consacrer une série (NBC Hannibal) à son personnage, et qui reprend sa mystérieuse relation avec Will Graham, un jeune profiler du FBI.


Quatrième de couverture :

Une série de meurtres terrifiants secoue les Etats-Unis. Tous suivent le même rituel d'horreur, tous sont signés d'un mystérieux Dragon rouge. Un homme est sur sa piste. Il s'appelle Will Graham. Il a déjà démontré par le passé sa curieuse aptitude à se mettre dans la peau des psychopathes, à adopter leur point de vue, à deviner leurs pulsions les plus secrètes. Dans cette sinistre traque, il va rencontrer en prison un autre monstre : le diabolique Hannibal Lecter. Pour Graham commence alors une lente descente aux enfers, dans le sombre psychisme de ces meurtriers en série, au risque de s'y perdre...

Mon avis :

Hannibal Lecter n'est... pas un personnage de fiction que je m'imaginais découvrir un jour, peu importe dans quelle condition, l'histoire d'un serial killer cannibale de surcroît ne m'attirait pas plus que ça. Puis, je me suis surprise à m'intéresser à la série télévisée..., puis j'ai voulu découvrir le roman Dragon Rouge, sur lequel s'inspirent essentiellement les premières saisons de la série.

Dans ce roman, on suit Will Graham. Ancien agent du FBI, il fut celui qui traqua « L’Éventreur du Chesapeake », et découvrit son identité en la personne du docteur Hannibal Lecter, qu'il parvint à arrêter, après une violente confrontation. De cette rencontre avec l'assassin cannibale, Will Graham en garda des blessures physiques et des séquelles psychologiques qui l'incitèrent à quitter le FBI et à se retirer en Floride avec sa femme et son fils. Trois ans plus tard, Will Graham coule des jours paisibles avec sa famille, leurs nombreux chiens, et les bateaux qu'il répare, mais un jour, son ancien patron, Jack Crawford, vient lui rendre visite. Will se doute qu'il ne s'agit pas d'une visite de courtoisie. En effet, Jack Crawford cherche à tirer Will de sa retraite pour aider le FBI à coincer un tueur en série particulièrement coriace que l'on surnomme « La Mâchoire » qui opère les nuits de pleine lune et qui a déjà massacré deux familles. Hanté par les souvenirs de son aventure avec Hannibal Lecter, Will ne se sent pas près à reprendre du service, mais Jack Crawford ne lui laisse pas le choix. Avec la promesse de ne pas travailler en première ligne mais dans l'ombre, Will enquête, aidé de son don très particulier qui lui permet de se glisser dans la peau de n'importe qui, même des criminels. Mais La Mâchoire se révèle être difficile à coincer, et le FBI ne voit d'autre choix que de demander de l'aide du docteur Lecter, qui se trouve toujours au centre de détention de Baltimore. Will Graham est celui qui a été chargé de le rencontrer...



Thomas Harris.
J'ai passé un bon moment avec ce roman, cependant il possède quelques lacunes et je commencerai par celles-ci pour terminer sur une note plus positive. Certains points m'ont en effet déplu dans ce roman, mais plus particulièrement la traduction. Déjà, l'assassin du roman est nommé The Tooth Fairy dans la version originale (soit La Fée des Dents/La petite souris, titre repris dans d'autres traductions françaises et dans le film de 2002), et le traducteur a eu ici l'idée étrange de traduire le titre par La Mâchoire. Certes, si on lit le roman, ce titre est plus adéquat et La petite souris est un étrange nom pour un tueur en série, mais j'avais été habituée à La petite souris. Mais ce n'est pas ce qui m'a le plus agacé dans la traduction. Elle est... correcte, dans l'ensemble, mais j'ai trouvé à de nombreuses reprises des fautes d'orthographe, des fautes de frappe, et des mots dont les lettres avaient été mélangées. On reconnaît le mot mais c'est surprenant de voir un mot dont les lettres ont été mélangées, comme si le traducteur avait frappé à la va-vite, ou avait tapé sans prêter attention. Ce point m'a irrité et surprise, d'autant plus que je n'avais jamais eu ce problème avec un ouvrage de Pocket.

L'histoire semble relativement banale de nos jours. Du policier, ce n'est pas ça qui manque, et le tueur en série est devenu un archétype classique dans les romans/films/séries du genre policier, cependant il faut savoir que ce livre a été écrit dans les années 1980, donc à une époque où le tueur en série n'était pas à la mode, que ce genre d'histoire n'avait pas encore été cuisiné à toutes les sauces, et où les technologies étaient différentes. On n'avait pas, dans les années 1980, les moyens et les technologies qu'on a de nos jours, notamment les analyses ADN, or le FBI n'a comme indice que le groupe sanguin du tueur. C'est peu pour retrouver le tueur ! D'où l'importance du don et de l'intuition de Will Graham... Cependant, c'est une histoire classique mais efficace, le premier roman à introduire un personnage désormais célèbre, l'assassin cannibale Hannibal Lecter. Cependant, parmi les agents du FBI à avoir approché le célèbre assassin, les gens auront davantage retenu l'agent Starling que Will Graham, or Will Graham est un personnage intéressant, qui mérite – je le pense – qu'on lui prête attention. Le roman ne l'a peut-être pas assez mis en valeur selon moi, ainsi je suis heureuse que la série de Bryan Fuller lui rende justice.

Will Graham est un ancien agent du FBI, tourmenté par sa rencontre avec Hannibal Lecter. Mais si Graham est hanté par le docteur, Lecter, lui, semble avoir un semblant d'affection pour l'ancien agent. Il lui écrit, lui avoue penser souvent à lui, lui parle avec bienveillance et annonce à Graham que si l'agent a réussi à l'attraper, là où tant d'autres avaient échoué, c'est parce que lui et Graham étaient pareils (Bryan Fuller, intrigué par ce fait, a tenté d'imaginer la relation entre les deux hommes et ce qui a pu se passer au moment de leur rencontre jusqu'à l'arrestation de Lecter, d'où la naissance de NBC Hannibal). Hannibal Lecter n'en demeure pas moins dangereux. Intelligent, cultivé et dangereux, voilà ce qu'il est et s'il n'apparaît pas souvent dans le roman, il prouve que même la prison ne l'empêche pas d'opérer au-dehors car, même en prison, Hannibal reste quelqu'un de rusé et de manipulateur. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé la scène où il parvient à laisser une annonce codée dans le journal, pour La Mâchoire, et que le FBI se démène pour le décoder. Donc, Hannibal Lecter est présent, même lorsqu'il n'apparaît pas, à cause de l'impact qu'il a laissé chez Will. Son altercation avec l'assassin lui a laissé des traces, aussi bien mentales que physiques ! 

Pour revenir au personnage de Will, même si je trouve qu'il n'a pas été mis assez en valeur, je trouve qu'il est un personnage plutôt intéressant. Rares sont les flics, dans la fiction, qui ont été réellement traumatisés par une affaire, mais Will – bien que hanté – s'en est remis et n'a pas perdu ses capacités. En effet, Will est quelqu'un d'intelligent et en plus de posséder une mémoire photographique, il est capable de se mettre dans la peau de n'importe quel individu et de comprendre sa personnalité, comprendre comment il fonctionne. Ce don, que Will perçoit comme une malédiction, lui a beaucoup servi dans sa carrière au FBI puisqu'en se mettant dans la peau de criminels, il a su les percer et les attraper. Ajoutons à cela un peu de sarcasme, un homme profondément attaché à sa famille, hanté par Hannibal Lecter, malin mais aussi vulnérable, au risque de se perdre dans l'affaire de « La Mâchoire » … malheureusement, comme je l'ai écrit auparavant, je trouve que ce personnage, qui a pourtant du potentiel, n'a pas été assez mis en valeur et qu'au final, on n'en sait pas plus sur son histoire ou l'origine et la nature de sa relation avec Hannibal Lecter (c'est pourquoi je remercie le film de 2002 et la série de Bryan Fuller qui nous en livrent un peu plus, même si ça ne vient pas de Thomas Harris)



Le roman doit son titre à l'aquarelle
de William Blake "Le Grand Dragon
Rouge et la Femme vêtue de Soleil"
et l'obsession du tueur à son égard.
Un peu à la façon de Conan Doyle, l'auteur ne se contente pas de narrer les aventures de l'enquêteur dans son affaire, mais il consacre de nombreux chapitres à l'assassin où nous avons la possibilité de connaître sa personnalité, son histoire, pourquoi il agit ainsi, comment il agit. C'est étrange de ressentir de la pitié pour lui, en découvrant ses jeunes années, quand on voit les choses horribles qu'il fait. C'est comme donner un visage humain à tant d'horreurs, on voit comment une enfance bafouée a pu mener à ce que l'assassin est dans le roman. On le voit avec ses raisonnements d'assassin mais aussi comment il vit et agit en tant qu'homme de tous les jours, pour ne pas attirer l'attention sur lui. Des rares qui coutoient son quotidien, je me suis attachée à Reba McCane, une de ses collègues qui s'est rapprochée de lui. Elle est aveugle, mais finalement indépendante et loin d'être vulnérable car elle sait se débrouiller seule, elle est intelligente et loin d'être vulnérable, bien qu'elle-même sera profondément marquée par l'affaire de « La Mâchoire ».

Le style est froid, net, un peu d'action vient agrémenter l'enquête (les malheurs du journaliste trop fouineur Freddy Lounds, la traque de La Mâchoire, Lecter qui reçoit une lettre de l'assassin...), l'auteur a su créer des personnages complexes et intéressants ainsi qu'à nous offrir une histoire prenante, devenue un classique du roman noir. Le suspense est aussi de la partie, j'ai beau avoir vu le film avant, le suspense monte jusqu'à la fin et l'enquête tient en haleine et peut surprendre, pour ceux qui n'ont pas vu le film avant. Si l'histoire est prenante et bien écrite, c'est aussi du aux recherches de l'auteur sur les méthodes du FBI, et il ne laisse rien au hasard. Son tour de force incroyable, c'est de nous offrir un assassin aussi horrible que La Mâchoire, mais de nous le faire comprendre et de nous le rendre presque... sympathique, et c'est assez dérangeant. Un peu comme Hannibal dans la série, c'est un sale manipulateur, un vrai monstre, mais il est si cultivé, intelligent, charismatique, et au passé tragique, qu'il passe presque pour un personnage sympathique.

En somme, malgré les erreurs que j'ai pu trouver dans le texte (fautes, coquilles...), j'ai passé un bon moment avec ce thriller, l'enquête est intéressante, prenante, les personnages sont intéressants et complexes. Un bon roman du genre. Je ne pense pas lire la suite, car la relation entre Hannibal Lecter et Clarice Starling ne m'intéresse pas et que je plus plus attachée au personnage de Will, cependant je peux dire que j'ai passé un bon moment avec ce roman.





Dragon Rouge a été adapté trois fois. Deux fois au cinéma avec « Manhunter / Le sixième sens » et « Dragon Rouge », le film de 2002 avec Edward Norton dans le rôle de Will Graham et Anthony Hopkins dans le rôle d'Hannibal Lecter. La série NBC Hannibal, les premières saisons se présentent comme une préquelle de Dragon Rouge et reprend de nombreux éléments du roman, sauf qu'on a donné des seins à Freddy Lounds et Alan Bloom, qu'Hannibal Lecter a eu une poussée de croissance et un accent danois et Will Graham l'adorable bouille anglaise de Hugh Dancy (mais franchement, je ne vais pas m'en plaindre. Hugh Dancy et Mads Mikklesen jouent des Will Graham et Hannibal Lecter excellents !)

Extrait :

« Bien entendu, ajouta Crawford, il nous reste encore treize jours.
- Wah, Jack...
- Quoi, Jack ? dit Crawford.
- T'es pas croyable.
- Attends, je ne te suis pas très bien.
- Mais si. Il se passe que tu as décidé de te servir de moi comme appât parce que tu n'as pas d'autres atouts. C'est pour cela que tu me décris en détails la prochaine tuerie, histoire de me mettre en condition avant de me demander si je suis d'accord. Psychologiquement, ce serait assez habile si tu avais affaire à un débile. Qu'est-ce que j'allais répondre à ton avis ? Tu croyais que je n'avais plus rien dans le bide depuis mon histoire avec Lecter ? [...]
- Je savais que tu réagirais comme ça. »
Graham vit qu'il le pensait vraiment. « Mais ce n'est pas tout, n'est-ce-pas ? »
Crawford ne répondit pas.

17.