lundi 30 septembre 2013

Les Misérables - Victor Hugo.



Pour aller plus loin :








Emprunt bibliothèque fac.





Quatrième de couverture :

Le destin de Jean Valjean, forçat échappé du bagne, est bouleversé par sa rencontre avec Fantine. Mourante et sans le sou, celle-ci lui demande de prendre soin de Cosette, sa fille confiée aux Thénardier. Ce couple d’aubergistes, malhonnête et sans scrupules, exploitent la fillette jusqu’à ce que Jean Valjean tienne sa promesse et l’adopte. Cosette devient alors sa raison de vivre. Mais son passé le rattrape et l’inspecteur Javert le traque

Mon avis :

Petite précision avant tout concernant la quatrième de couverture, le roman ce n'est pas que l'histoire de Cosette et de Jean Valjean, et si vous croyez dur comme fer que Javert est le méchant de l'histoire, on ne peut pas être ami. Les Misérables, ça suit plusieurs tranches de vie de divers personnages qui vont, qui viennent, qui partent, qui restent ; c'est une peinture réaliste du Paris du début du XIXe siècle et de la société française de l'époque avec ses hauts, ses bas, ses richesses, ses beautés, ses injustices, c'est une part d'âme que l'auteur a laissé et écrit. C'est un classique incontournable de la littérature française.

Poussée par le fandom, j'ai eu, ces derniers temps, la curiosité de découvrir ce classique alors que je ne m'y attendais pas, que je ne pensais pas attaquer un classique (un "gros" classique qui plus est) de sitôt après Le comte de Monte-Cristo lu cet été.
Les Misérables, on peut dire que c'est ma véritable grande approche de l'oeuvre de Victor Hugo. Après avoir commencé petit il y a des années, au lycée, avec Claude Gueux et Le dernier jour d'un condamné, je me suis attaquée ici à un pavé plus impressionnant. 1600 pages pour mon édition qui était une édition intégrale ! Et si j'avais hâte, surtout vers la fin, de terminer enfin ce gros pavé, je dois dire que les personnages vont me manquer...


Victor Hugo.
Je crois que vous l'avez compris, j'ai aimé ma lecture, mais je dois avouer que lire Les Misérables, c'est un peu devoir s'armer de patience ; pas forcément parce que c'est un gros pavé, mais parce que certaines parties - surtout les quatre premières - sont descriptives, et il ne se passe pas grand chose. Pour ne donner qu'un exemple, l'auteur consacre au moins dix chapitres, si ce n'est plus, au personnage de l'évêque de Digne qui - même s'il est un personnage intéressant, amusant et l'image qu'on aimerait tous se faire de l'homme religieux idéal (alias bon, généreux, souriant, pieux, pardonne, n'est ni dur, sévère ou corrompu) - peut parfois lasser au bout d'un temps et pourtant j'ai adoré le personnage de l'évêque, sans compter qu'il a joué un rôle important dans la vie de Jean Valjean, l'un des personnages principaux de l'oeuvre.


L'auteur nous consacre parfois de longs chapitres pour parler d'un personnage, pour nous peindre le tableau social/politique/religieux/tout ce que vous voulez de la France, et surtout du Paris du XIXe siècle. Une vraie fresque d'histoire (on passe de Napoléon, à la Restauration jusqu'à l'époque des révolutions de 1830), de politique, de la société française de la première moitié du XIXe siècle, il nous parle beaucoup de Paris aussi (il a même consacré quelques chapitres aux égouts de Paris, c'est pour dire, mais ces égouts vont jouer un rôle dans l'histoire) et le décrit même plutôt bien, on a vraiment l'impression de vivre dans ce lieu, à cette époque. On évolue dans ce Paris, dans cette société française coincée entre une Restauration finissante et une monarchie de Juillet condamnée. Sans être vraiment un roman historique à proprement parler, les événements historiques tiennent une grande place dans le roman et les moments les plus marquants sont relatés dans ce roman (on a plusieurs chapitres consacrés à la bataille de Waterloo, aux barricades de l'insurrection de l'enterrement du général Lamarque...). Donc Victor Hugo décrit presque tout et bien (je dis presque tout... je n'aurais pas été contre à ce qu'il nous en révèle un peu plus sur certains personnages... dont Javert), à un point où ça peut paraître long, affreusement long, et j'ai un peu honte d'avouer que j'ai sauté plusieurs pages tellement je n'en voyais pas la fin. Quelques fois, je prenais mon mal en patience.

Plus que ça, l'auteur se fait omniprésent dans cette oeuvre, c'est également pour cela que j'ai écrit que Victor Hugo avait probablement laissé une partie de lui-même enfouie dans ce livre. Les choses qu'il raconte, les thèmes qu'il aborde sont indissociables de l'auteur et montrent sans doute ce qu'Hugo pense, ses convictions sur la politique, la société française... on retrouve bien-sûr un thème cher à Hugo : la condamnation de la prison, de la peine de mort, l'éducation des hommes qui favoriserait mieux l'homme dans la vie, dans la société et qui permettrait de moins remplir les prisons car un homme instruit vit mieux et vit sans délinquance  que ce n'est pas l'homme qui est mauvais, qui devient mauvais de lui-même, c'est la société qui le façonne ainsi. L'image du père et du grand-père est aussi très présente avec Jean Valjean et le grand-père Gillenormand. Jean Valjean qui découvre l'amour paternel en prenant soin de Cosette, ils se découvrent, apprennent à s'aimer, découvrent chez l'un et l'autre une soif, un besoin d'amour, de contact. Valjean change avec Cosette, il apprend à être un père. Les chapitres avec eux sont d'ailleurs très touchants, il y a ce passage que j'aime beaucoup :

La nature, cinquante ans d’intervalle, avaient mis une séparation profonde entre Jean Valjean et Cosette ; cette séparation, la destinée la combla. La destinée unit brusquement et fiança avec son irrésistible puissance ces deux existences déracinées, différentes par l’âge, semblables par le deuil. L’une en effet complétait l’autre. L’instinct de Cosette cherchait un père comme l’instinct de Jean Valjean cherchait un enfant. Se rencontrer, ce fut se trouver. Au moment mystérieux où leurs deux mains se touchèrent elles se soudèrent. Quand ces deux âmes s’aperçurent, elles se reconnurent comme étant le besoin l’une de l’autre et s’embrassèrent étroitement.
(Livre quatrième - La masure Gorbeau ; chp.III : Deux malheurs mêlés font du bonheur)

Il y a aussi le grand-père Gillenormand envers Marius, le vieux a beau être parfois dur, sévère, très axé sur ses convictions politiques et a beau avoir fait des choix que l'on peut voir comme froids (je pense au père de Marius qui m'aura vraiment brisé le cœur), il tient sincèrement à Marius, cela se voit dans le chapitre où il est au chevet de Marius. Le point fort de l'oeuvre aura aussi été les personnages, j'aimerais tous vous les présenter mais ils sont nombreux, je crois que je ne parlerais que de ceux qui m'ont marqué, à commencer par Jean Valjean : condamné à 19 ans de prison pour avoir volé du pain pour nourrir sa famille (jusque là, il a un destin similaire à celui de Claude Gueux) et pour avoir tenté de s'échapper quatre fois, il est remis en liberté mais sans cesse jeté à la porte parce qu'il est un ancien forçat. Écœuré par sa propre noirceur, sa rencontre avec l'évêque de Digne marque le commencement de sa rédemption, de sa volonté de changer, car la générosité de cet évêque va l'inciter à devenir un homme meilleur. Sa rédemption est très touchante et frappante, il devient un autre homme mais est sans cesse rattrapé par son passé. Il saura pourtant prouver qu'il a changé, que cet ancien forçat est un homme bon, secourable, généreux, doux... avec une légère tendance au martyr !

Vient ensuite l'inspecteur Javert. Inspecteur de police, il est sans cesse à la recherche de Jean Valjean. Son devoir, c'est la loi, la justice, il l'applique bien mais parfois avec excès, il ne vit que pour les lois. N'allez pourtant pas croire que c'est le méchant de l'histoire ! Il n'a pas eu une vie facile et croit que la justice est juste, est bonne, qu'elle ne peut pas se tromper. A part cela, c'est un excellent inspecteur, il est intelligent, rapide, rusé, n'a pas froid aux yeux. A l'instar du commissaire Vauvert dans L'enfant des cimetières, Javert m'a paru comme étant impayable, terrible, inimitable. Il est sarcastique aussi, sassy comme diraient les anglophones, il suffit de lire le chapitre où il est face aux Thénardier et au gang de criminels Patron-Minette, et où il lance à une Madame Thénardier qui le menace avec une brique : "la mère ! tu as de la barbe comme un homme mais j'ai des griffes comme une femme !". Il prouve aussi vers la fin qu'il n'est pas fermé d'esprit, à vrai dire, toute son existence va s'en retrouver chamboulée lorsqu'il aura la preuve que Valjean a bel et bien changé, que le monde n'est pas noir et blanc, et la lettre qu'il poste avant [ qu'il ne se suicide ] qui est en fait une liste de recommandation pour rendre la vie des prisonniers un peu moins misérables, pour corriger aussi le comportement peu tolérable de certaines forces de l'ordre. Le chapitre Javert déraillé est vraiment quelque chose, tout le conflit qui règne chez cet homme ! Je me suis vraiment attachée à Javert, même si je n'ai pas approuvé tout ce qu'il a fait (je pense notamment à l'épisode avec Fantine), et ce, malgré son obsession pas toujours très nette envers Jean Valjean :


Vingt fois, quand il était dans cette voiture face à face avec Jean Valjean, le tigre légal avait rugi en lui. Vingt fois, il avait été tenté de se jeter sur Jean Valjean, de le saisir et de le dévorer, c’est-à-dire de l’arrêter
(Livre cinquième : Jean Valjean ; chp.IV : Javert déraillé) 

Outre Javert et Valjean, nous assistons aux malheurs de Fantine, prête à tout pour donner tout ce qu'elle a pour sa fille ; nous avons les Amis de l'ABC avec Pretty Face alias Enjolras, à la fois un Saint-Just et un Robespierre et leader du groupe ; Grantaire, prêt à tout pour Enjolras qui, lui, passe son temps à douter de lui ; Courfeyrac ; Combeferre qui est un peu la figure intellectuelle et philosophe du groupe ; le jeune Gavroche, Bossuet, Jean Prouvaire et autres qui se préparent à la révolution (d'ailleurs, les chapitres avec la barricade sont spectaculaires !), j'ai aimé la façon de l'auteur de nous les présenter, je me suis beaucoup attachée à eux. Vient ensuite Marius, l'amoureux transi qui se trouve presque malgré lui au cœur des insurrections de juin 1835, il y a la jeune Cosette, il y a le couple sans scrupules des Thénardier... beaucoup de personnages donc, tous très bien fouillés, et qui, à un moment ou à un autre, sont ou seront ce qu'il convient d'appeler "un misérable", de différentes manières : socialement, politiquement, sentimentalement, financièrement...

Je ne vais pas m'attarder davantage sur ce roman, je n'ai pas tout dit mais il vaut mieux que je m'arrête là, sinon cet article risque de s'avérer plus long que prévu. Tout ça pour dire que malgré les longueurs et la patience dont il faut s'armer pour tout lire, Les Misérables est un bon classique, un très bon classique, avec des personnages tous les plus intéressants les uns que les autres, très bien racontés, très bien fouillés. Victor Hugo écrit très bien, il a une manière très humaine de raconter les émotions humaines, les relations humaines, il nous peint avec réaliste le Paris et la France de la première moitié du XIXe siècle, une véritable fresque historique, sociale, politique. Les descriptions qu'il nous offre sont puissantes, comme un mélange grandiose entre Histoire et Humanité. Les développements sur la psychologie et la nature humaine sont avant-gardistes... bref, un roman prenant qui place le lecteur devant sa propre humanité. J'ai beaucoup aimé ce roman et je retenterai sans hésiter une autre oeuvre de Victor Hugo un jour !



Image tirée de la dernière adaptation en date des Misérables.



Extrait :

Il achevait à peine qu’un effroyable fracas ébranla la boutique. Une vitre de la devanture venait de s’étoiler brusquement. Le perruquier en devint blême.
_ Ah Dieu ! cria-t-il, c’en est un !
_ Quoi ?
_ Un boulet de canon.
_ Le voici, dit le soldat.
Et il ramassa quelque chose qui roulait à terre. C’était un caillou.
Le perruquier courut à la vitre brisée et vit Gavroche qui s’enfuyait à toutes jambes vers le marché Saint-Jean. En passant devant la boutique du perruquier, Gavroche […] n’avait pu résister au désir de lui dire bonjour, et lui avait jeté une pierre dans ses carreaux.
_ Voyez-vous ! hurla le perruquier qui de blanc était devenu bleu, cela fait le mal pour le mal. Qu’est-ce qu’on lui a fait à ce gamin-là ?

Chapitre 3 : Juste indignation d'un perruquier. (Livre onzième : L'atome fraternise avec l'ouragan)

jeudi 19 septembre 2013

Le bel esprit de l'Histoire (S. Bern) / Dictionnaire des idées reçues (G. Flaubert)

Le bel esprit de l'Histoire, par Stéphane Bern.

"Les personnages historiques ont plus souvent bel esprit que bon esprit. Faut-il s'en étonner ? Dans les duels feutrés des cours et des ministères ou sur les champs de bataille, on manie les mots comme des fleurets, et on cherche celui qui fera mouche. Les plus méchants traits sont souvent les plus drôles - seules les victimes ne rient pas.

Louis XIV, Casanova, Mozart, Talleyrand, Lyautey, Jaurès, Stendhal, Churchill... Stéphane Bern rend hommage, à travers un florilège de piques et répliques alertes, souvent corrosives, à ces bretteurs qui ont contribué à asseoir le bel esprit de l'Histoire."


Je crois que je n'ai eu qu'une occasion de présenter brièvement Stéphane Bern sur ce blog. Est-ce assez ? Je l'ignore. Toujours est-il que je "connais" Stéphane Bern grâce à son émission que je suis depuis environ quatre-cinq ans, Secrets d'Histoire, et que je prends plaisir à retrouver tous les étés pour de nouveaux sujets. J'aime sa façon passionnée de raconter l'histoire et les têtes couronnées, il a un enthousiasme et une passion pour l'Histoire qu'on sent dans sa voix, qu'on voit dans son comportement et qui est très contagieux, qu'il communique bien aux autres. J'ai aimé lire les livres tirés de cette émission, et j'ai découvert ce petit ouvrage assez par hasard en début de mois. Je porte un grand amour pour les citations des plus grands de l'Histoire, Talleyrand, Churchill et De Gaulle plus particulièrement, et j'ai bien aimé ce petit ouvrage regroupant, en 320 pages, quelques citations mémorables de grands de l'Histoire.

Stéphane Bern nous propose donc ici de nous pencher sur les citations et mots d'esprits des grands de ce monde et qui, pour la plupart, ont fait l'Histoire : mots d'esprit, véritables réflexions philosophiques, florilèges de piques, répliques drôles ou cinglantes, devant d'hommes ou de femmes illustres... un véritable délice que de se plonger dans ce recueils de répliques toutes inoubliables à leur propre manière. C'est amusant et érudit. Je me suis régalée des répliques de Talleyrand, véritable renard de son époque, à la fois rusé, ironique et sournois ; de Clemenceau  ce géant de l'Histoire ; de Churchill, qui mérite la palme d'or des répliques mémorables et piquantes ; de De Gaulle, d'Oscar Wilde, de têtes couronnées... mais surtout TalleyrandClemenceau, De Gaulle et Churchill en fait qu'on retrouve souvent dans ce recueils et qui nous auront donné des citations mémorables !

Bref, c'est un petit livre simple, agréable à consulter, drôle et érudit, c'est bien aussi de placer une ou deux citations - dont certaines encore d'actualité - pour frimer briller en société xD Davantage de citations de femmes célèbres de l'histoire et la présence d'une préface auraient peut-être été plus agréables mais sinon, j'ai bien aimé cet intéressant petit recueil.

Quelques extraits :

"Je m'étonne que Mme de Pompadour veuille apprendre l'allemand, quand elle écorche encore le français." - Le marquis de Souvré.
"Si l'on chassait de Paris tous ceux qui y vivent d'intrigues, l'herbe y pousserait." - Maurepas, ministre de la marine sous Louis XV.
"- Si j'étais votre femme, je mettrais du poison dans votre thé.
- Si j'étais votre mari, madame, je le boirais !" (altercation entre Churchill à la féministe Nancy Astor)
"Si Dieu descendait sur la Terre, tous les peuples se mettraient à genoux, sauf les Français qui diraient : 'Ah ! Vous êtes là. C'est pas trop tôt ! On va enfin pouvoir discuter un peu.'" - Benjamin Disraeli, premier ministre britannique pendant la période victorienne.

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Dictionnaire des idées reçues, par Gustave Flaubert.

Le comble pour un auteur ? écrire un livre où il n'y a pas un seul mot de son cru ! Pari tenu ! Car ici, c'est la 'sottise bourgeoise' qui parle... La multitude aime à reprendre et colporter lieux communs et absurdités... Des mots accolés l'un à l'autre qui, à force de banalité ou d'automatismes, deviennent la plus pure expression de la bêtise universelle ! Ainsi, on est toujours fort comme un Turc, et l'alpha ne va pas sans l'oméga. Une hirondelle fait toujours le printemps. Et l'habitude reste une seconde nature... On ouvre les hostilités comme une huître. Le marron a pour femelle la châtaigne. Et la littérature est l'occupation des oisifs. Idées reçues, phrases toutes faites, Flaubert leur tord le cou d'un trait de plume... Jubilatoire !


Flaubert, c'est un auteur que je connais depuis le lycée où j'avais dû lire L'éducation sentimentale, et dans ma bibliothèque attend d'être lu un jour Madame Bovary. J'avais beaucoup aimé L'éducation sentimentale, c'était "frais", divertissant, intéressant, et j'ai bien aimé le style de l'auteur que je trouvais agréable et moderne. Autant dire que ce petit ouvrage est loin d'être un roman, c'est un petit dictionnaire écrit à la façon de Flaubert. Toute l'ironie et le regard de l'auteur sur la société française de son époque et ses drôles d'individus. Ce petit livre au format dictionnaire reprend le même style que n'importe quel dictionnaire mais avec des définitions made in Flaubert, des définitions formulées par Flaubert qui sont un régal parfois, je dois l'avouer ! Bien-sûr, comme ce titre date du XIXe siècle, il a vieilli, on voit bien qu'il a été écrit à cette époque mais il comporte tout de même des définitions savoureuses, j'ai pris du plaisir à les lire. A ne pas lire d'une traite néanmoins, on risque de se lasser, de s'ennuyer ; voyez-le plutôt comme un livre dont il faut savourer quelques pages, quelques définitions, le reposer et le reprendre plus tard pour lire quelques autres pages.

Bref, c'est drôle et bien trouvé ! A la place des définitions toutes neutres, nous avons l'avis commun ou alors celui de Flaubert. Comme un dictionnaire personnalisé. Ce dictionnaire ne reprend pas tous les mots existants mais traite de thèmes divers : histoire, société, médecine, littérature, religion, politique, agriculture, les différents pays... c'est clair, c'est frais, c'est divertissant, c'est pas casse-tête et c'est très abordable. C'est peut-être même efficace contre la morosité ! une définition par jour pour aller mieux ! Chaque définition a une part d'ironie et de réalité, sont parfois toujours d'actualité, il suffit de voir la version de diplôme (diplôme : signe de science. ne prouve rien). Enfin voilà, je n'ai rien à ajouter de plus à ce sujet. En tout cas, ça me donne presque envie de renouer avec l'auteur...

Quelques extraits :

Académie française - La dénigrer, mais tâcher d'en faire partie si on peut.
Allemands - Peuple de rêveurs (vieux). Ce n'est pas étonnant qu'ils nous aient battus, nous n'étions pas prêts !
Antéchrist - Voltaire, Renan...
Bibliothèque - Toujours en avoir une chez soi, principalement quand on habite la campagne.
Bourse (la) - Thermomètre de l'opinion publique.
Monarchie - La monarchie constitutionnelle est la meilleure des républiques.
Portefeuille - En avoir un sous le bras donne l'air d'un ministre.

lundi 9 septembre 2013

L'enfant des cimetières - Sire Cédric.


L'auteur :

Né en 1974 dans l'Aveyron, Sire Cédric a fait des études d'anglais entre Toulouse et les Etats-Unis, pour travailler ensuite quelques années dans le milieu de l'édition, du journalisme et de la traduction, tout en publiant dans des magazines des nouvelles de policier et fantastique, inspiré par des auteurs tels que Stephen King, Edgar Allan Poe ou encore Clive Baker. C'est depuis l'année 2005 qu'il se consacre pleinement à son métier d'écrivain, publiant des romans policiers/thriller, souvent teintés de surnaturel.



Emprunt médiathèque.




Quatrième de couverture :

Lorsque sa collègue Aurore l'appelle en pleine nuit pour couvrir avec elle un meurtre atroce, David, photographe de presse, se rend sur les lieux du drame. Un fossoyeur pris d'une folie hallucinatoire vient de massacrer sa femme et ses enfants avec un fusil à pompe, avant de se donner la mort. Le lendemain, un adolescent, se croyant poursuivi par des ombres, menace de son arme les patients d'un hôpital. Mais qui est à l'origine de cette épidémie meurtrière ? Est-ce un homme ou un démon ? Le journaliste, qui n'a plus rien à perdre, va se lancer à la poursuite de l'enfant des cimetières, jusqu'aux confins de l'inimaginable...

Mon avis :

A l'instar du vampire aigri, je me suis permise de faire un peu de découpage concernant la quatrième de couverture, un peu trop révélatrice à mon goût. Heureusement que je n'avais pas pensé à lire la quatrième de couverture avant de me mettre à la lecture du roman. A vrai dire, je ne savais même pas de quoi le roman parlait dans sa globalité avant de l'emprunter, toujours est-il que cela faisait un moment que je voulais découvrir Sire Cédric, auteur francophone dont la popularité grimpe sur la blogosphère, et bien que j'aurais voulu, à l'origine, tomber sur De fièvre et de sang, je n'ai pas été déçue d'avoir lu L'enfant des cimetières en premier, j'ai même adoré cette lecture !

Finalement, il aura été difficile pour moi d'éviter de passer à côté de Sire Cédric dont le nom se fait de plus en plus connaître dans la blogosphère (ou l'est-il déjà ?) de par ses romans qui semblent rencontrer bien du succès, ou même ses longs cheveux noirs... ;p Je ne lis pas souvent de thrillers, pour ainsi dire... rarement (pas parce que je ne pense pas que ce genre soit ma tasse de thé, mais parce que j'ai plus tendance à me procurer des livres dans les genres que je préfère et comme je ne connais pas assez les thrillers pour savoir si j'aime ou pas...), mais je dois dire que j'ai beaucoup apprécié ce roman, j'ai même adoré. Moi qui avait du mal, depuis cet été, à me vraiment me mettre dans un livre, j'ai été emballée et n'ai pas pu lâcher ce livre avant de l'avoir terminé ! Donc je dois dire que je pense que le charme a bien opéré chez moi, pas au point de mettre Sire Cédric au palmarès de mes auteurs préférés, je ne peux pas me faire un avis avec un seul livre, mais j'ai aimé son roman et son écriture et je serais même prête à tenter un nouveau roman de l'auteur dès que l'occasion (ainsi que mon humeur à lire des thrillers) se présente ! Car j'ai aimé ses mots, sa façon de raconter une histoire à la fois policière et surnaturelle, avec un don pour mélanger le rationnel et le surnaturel avec brio et de façon logique, sans se casser la figure, j'ai aimé ses personnages (comme beaucoup, j'ai craqué sur le commissaire Vauvert et j'ai été plus que ravie d'apprendre qu'il était le héros d'autres romans de l'auteur), il a réussi à me transporter, me faire angoisser pour les personnages, un peu comme ça :

(celui qui me trouve d'où provient cet extrait aura droit à un cookie. Non mais, sérieusement, ça provient de quel film/quelle série tv ? Je suis curieuse de savoir !)


Mais en fait, L'enfant des cimetières, de quoi ça parle ? Aurore Dumas, journaliste, et David, son collègue photographe, se rendent près du lieu d'une maison où a eu lieu un crime atroce : un fossoyeur vivant près du cimetière aurait, pris d'une soudaine folie hallucinatoire, tué sa famille avant de se suicider lui-même. Là où dans cette ville (l'auteur ne la cite pas dans le roman, mais il révèle dans une interview qu'il s'agit de Toulouse) ne se passe jamais rien d'intéressant, selon Aurore Dumas, les deux tiennent là un scoop ! Mais David a un mauvais pressentiment en photographiant la maison et en passant près du cimetière. Le lendemain, c'est un jeune adolescent qui déboule dans un hôpital pour y semer la panique, avec la même folie que le fossoyeur. C'est le début d'une série de meurtres - ou de suicides, la police l'ignore encore - et le point de départ d'une folie meurtrière qui semble être contagieuse... et qui pousse ses victimes à faire l'irréparable. Bouleversé par ces récents événements dont il devient involontairement impliqué, David enquête sur cette série de morts, influencée dit-on par la légende de l'enfant des cimetière, cet étrange enfant qui fait semer la mort si on a le malheur de croiser son regard...

D'abord déconcertée par le prologue, j'ai été vite emportée dans le roman et quelques chapitres à peine ont suffi pour me faire accrocher à l'histoire, en me donnant l'envie de me ruer sur la suite, dévorant chapitre par chapitre. Déjà, j'ai beaucoup aimé cet univers oscillant entre le réel et le surnaturel et je pense que ce n'est pas donné à tout le monde de réussir avec brio à construire un thriller fantastique, une histoire logique et rythmée entre des événements surnaturels et des méthodes de police d'enquête classiques, modernes, comme on en retrouve dans les romans ou séries policières. Sire Cédric parvient à bien mener son jeu, au niveau de l'intrigue, de ne pas tout donner, tout révéler rapidement car même si un coupable se présente dès les premiers chapitres, l'auteur et les événements de l'intrigue nous montrent que tout n'est pas aussi simple que ça et qu'il reste encore un certain nombre de points mystérieux à éclaircir. L'auteur amène ici les révélations et indices avec logique, avec une progression logique et tout est justifié, même les éléments surnaturels qui progressent dans un monde rationnel, ou les personnes agissent et réagissent de façon rationnelle. Bref, tout est cartésien malgré le caractère fantastique de certains éléments.

Concernant le texte, il y a une certaine beauté dans la narration, malgré le caractère cru de certaines scènes, on a parfois des descriptions quelques peu ragoûtantes, terrifiantes, horribles. L'écriture est brillante, nerveuse, rythmée, on peut sentir la tension que ressentent les personnages ou la tension que l'on peut deviner grimper peu à peu dans certaines scènes ou chapitres (comme les chapitres où David et Aurore visitent en plein cœur de la nuit la maison où a eu lieu le premier massacre, et où David sent que quelque chose ne tourne pas rond et qu'il faut s'en aller tout de suite car il lui semble deviner que quelque chose... ou quelqu'un les suit, va les trouver), bref, l'écriture est rythmée et emporte tout sur son passage. Dans le texte, la narration alterne avec des articles de journaux, des extraits de livres ésotériques, on suit plusieurs personnages ce qui fait qu'on suit l'histoire à travers les yeux de différents personnages, de façon différente (avec, par exemple, d'un côté le meurtrier qui fait ses manigances, la police qui mène son enquête et essaye tant bien que mal de la faire avancer sous cette avalanche soudaine de meurtres, David et Aurore qui mènent l'enquête de leur côté tout en devant faire face à des soucis et des drames imprévus, on suit aussi la trace de personnes mêlées à l'enquête), et j'ai bien eu du mal à me détacher de l'enquête ! Impossible, il fallait que je sache à tout prix ce qu'il allait se passer ! Surtout depuis les événements qui ont eu lieu la nuit où David et Aurore sont entrés dans la maison du premier crime.



Sire Cédric.
Petite précision tout de même à ceux qui seraient emballés à l'idée de lire ce roman : l'histoire n'est pas déplaisante, mais c'est noir, très noir, et il faut parfois avoir le cœur bien accrocher pour supporter certaines scènes gores ou angoissantes. Je suis déjà quelqu'un de sensible à l'origine, j'ai pu supporter sans peine ces scènes, avec néanmoins quelques grimaces, mais je laisse juste un avertissement pour les personnes ayant le cœur moins accroché. C'est angoissant et, dans la vie réelle, j'aurais hurlé encore plus fort que certains des personnages. Heureusement, on a des scènes légères, drôles parfois avec l'impayable commissaire Vauvert, ou grâce à Kristel, la petite-amie de David, qui illumine sans peine le roman, elle est à la fois belle, étrange et mystique, un peu dans son monde à elle mais elle saura être d'une grande aide à David et j'ai été touchée par le lien unissant les deux.


J'en avais parlé avant, je le redis : de tous les personnages de ce roman, le commissaire Vauvert fait parti de ceux à m'avoir vraiment marqué ! Impayable, imperturbable, inimitable, un véritable colosse à la fois terrible mais dépassé par les événements et qui saura s'en sortir avec sa compréhension des choses et son incroyable ouverture d'esprit, un véritable homme de droiture qui cherche à savoir la vérité et ne rechigne pas à sortir des terrains battus pour résoudre cette sombre enquête. J'ai aussi beaucoup aimé David. D'abord photographe journaliste, il se retrouve bien malgré lui propulsé au devant de la scène et a du faire face à des drames, et devient de façon imprévisible une sorte de héros, très touchant dans sa quête de savoir le fin mot de tout cela, risquant sa vie pour cela. J'ai été touchée par son incroyable force d'âme, sa résistance face "au mal", au meurtrier et face à toutes ces horreurs alors que tout semble perdu. Aurore, la collège et journaliste curieuse, fouineuse et affamée de tout ce qui sort du banal, m'a paru bien sympathique aussi, j'aurais juste aimé savoir ce qu'il est advenu d'elle à la fin, fin qui se concentre surtout sur Vauvert et David.

Donc, on accroche facilement à l'histoire, on a des personnages intéressants pour certains (Vauvert que j'ai été ravie d'apprendre qu'il apparaissait dans d'autres romans de l'auteur), l'auteur a un style d'écriture simple, efficace, rythmée, qui parvient à nous arracher des frissons et à nous faire accrocher à l'histoire. De plus, le fait que l'histoire se déroule en France fut agréable ! Pour une fois qu'une histoire aussi prenante prenne lieu dans notre mère patrie, ça change des auteurs français qui font dérouler les événements de leur roman en Amérique ou ailleurs. C'est quelque chose devenu si cliché que de lire un roman dont les événements se déroulent dans notre pays est un changement agréable ! Sinon, pour une première lecture et découverte de Sire Cédric, ce fut très satisfaisant et je retenterai l'expérience prochainement et avec plaisir, sans doute avec De fièvre et de sang...

Extrait :

- Tiens. C’est l’heure du petit déjeuner.
Lucas Delorme le regarda d’un air dubitatif, se demandant s’il allait lui repasser les menottes. Ce n’était visiblement pas le cas. Il tendit la main pour saisir le croissant, et s’installa en position assise dans le lit.
- C’est le numéro du gentil flic, ce matin ?
- Me fais pas chier. J’ai réfléchi à ce que tu racontais hier soir.
Le garçon le regarda avec des yeux ronds, gonflés par le manque de sommeil, tout en mordant dans la viennoiserie.
- Cette histoire de fantôme, insista Vauvert. L’enfant des cimetières. On raconte que ceux qui le voient deviennent fous. C’est ça ?
Il hocha la tête.
- Oui. Vous ne me croyez pas, hein ?
- Non. Mais je suis flic. J’essaie de comprendre. Les gens paient des impôts pour ça.
Lucas Delorme eut un sourire malgré lui.
- Vous êtes plutôt bizarre, pour un flic.
- Il paraît. Alors, ce fantôme, tu penses l’avoir vu ?
- On l’a tous vu. Tous les trois.
- Raconte-moi. C’est maintenant ou jamais.
Le jeune garçon hésita un instant. Voyant que le policier avait l’air sincère, il soupira.

17. (Mardi)

samedi 7 septembre 2013

La grande illusion.


La Grande Illusion,

Réalisé par Jean Renoir.
108min/114min.
Sorti en 1937.



Avec : Jean Gabin, Marcel Dalio, Pierre Fresnay, Erich von Stroheim, Dita Parlo, Ia Peters, Sylvain Itkine, Werner Florian, Julien Carette...


Emprunt bibliothèque fac.





Synopsis :

En 1917, dans un camp en Allemagne, un groupe de prisonniers français, dont l'aristocrate Boëldieu, le contremaître Maréchal et le banquier juif Rosenthal, préparent une évasion. Au dernier moment, ils sont transférés dans une forteresse commandée par Von Rauffenstein, qui sympathise avec Boëldieu...

Mon avis :

Toujours pas guérie de ma dernière fixette sur le film Joyeux Noël, je fouille le net depuis des jours, dans l'espoir de trouver d'autres films, voire même livres ou sites traitant de la première guerre mondiale (ça, il y en a à foison), et plus exactement des fraternités qu'il y a eu entre les soldats à cette époque (ça, c'est moins commun), et c'est durant ces moments de recherches que j'ai entendu parler de La grande illusion, un vieux film en noir et blanc des années 1930. Fort heureusement pour moi, il n'a pas été compliqué de trouver ce film, je devrais peut-être prêter mieux attention à la DVDthèque de la bibliothèque de la fac, je pourrais peut-être tomber sur quelque chose d'aussi émouvant et intéressant que La grande illusion.

Durant la première guerre mondiale, l'avion du lieutenant Maréchal et du capitaine de Boëldieu est abattu par le commandant von Rauffenstein et le hasard veut qu'il connaisse la famille du capitaine de Boëldieu. Les deux officiers français sont envoyés dans un camp de prisonniers officiers en Allemagne où ils font la connaissance avec d'autres prisonniers français, issus de grades et de milieux sociaux différents, dont le lieutenant juif Rosenthal dont la famille est riche et gère dans les finances, le lieutenant Demolder, un amoureux des lettres, Cartier, un sergent populaire. Dans ce camp, les prisonniers vivent au rythme des avancées et reculées françaises qui perd ou gagne des positions sur le front, organisent des activités, partagent les biens et nourritures qui leur sont envoyées par les familles. Ayant bien l'intention de ne pas rester dans le camp à attendre la fin de la guerre, Boëldieu, Maréchal, Rosenthal et leurs compagnons de chambrée décident de s'échapper en creusant un tunnel, créant des diversions pour ne pas être suspectés de vouloir s'enfuir. Mais, la veille de leur évasion, on leur annonce qu'ils vont être transférés dans un autre camp. C'est ainsi qu'après de nombreuses tentatives avortées d'évasion, Boëldieu et Maréchal se retrouvent dans un camp fortifié dans une forteresse en montagne, où ils ont la surprise de découvrir qu'il est dirigé par von Rauffenstein, et de retrouver leur vieil ami Rosenthal...



De gauche à droite : Rosenthal, Maréchal et Boëldieu.
Concernant l'histoire en elle-même, ce fut une excellente surprise. Peut-être devais-je avoir le préjugé, comme quoi un vieux film en noir et blanc ne peut pas être plaisant et intéressant, que nenni ! Déjà, le fait qu'il soit en noir et blanc ne m'a nullement gêné, je dirai même que ça lui donne un certain charme, comme si je découvrais un classique (et La grande illusion l'est sans doute dans le domaine du cinéma français), bien que comme il s'agit d'un vieux film, j'ai parfois eu quelques petites difficultés à comprendre certaines répliques, devant souvent baisser ou augmenter le son, et ce, malgré la remasterisation et restauration du film, comme je ne veux pas insulter le film ainsi que tous ceux qui y ont pris part, mettons ça sur le compte de mon ouïe pas toujours très fiable (si c'est pas malheureux, à mon âge...) ou alors sur le compte de mon poste télévisé xD ! Mais sinon, l'histoire en elle-même fut une bonne surprise, j'ai pris plaisir à voir ce film et à suivre l'histoire. En même temps, avec un film dit "historique" et qui plus est se situant en pleine guerre mondiale, je suis rarement insatisfaite et j'ai bien aimé suivre ces différents personnages.

La surprise dans ce film est qu'il se veut pacifiste et non-antisémite, ce qui n'est pas rien lorsqu'on lit que le film est sorti en 1937, soit deux ans avant la seconde guerre mondiale, je dirai même que c'est assez paradoxal de visionner un film pareil puis de voir ce qu'il s'est passé deux ans après sa sortie. D'ailleurs, si je crois bien comprendre mon ami Internet, la censure a été très importante au niveau de ce film, même s'il paraît qu'Hitler et Mussolini, bien qu'ayant aimé ce film, ont préféré le censuré pour des raisons bien compréhensibles, et qu'il aura plutôt connu le succès en France et aux Etats-Unis. Il est donc intéressant de voir que ce film ne s'arrête pas à la simple histoire où des prisonniers de guerre français décident de s'évader par tous les moyens et où tous les moyens sont bons pour divertir les allemands pour ne pas être surpris en flagrant délit ou être soupçonné de vouloir filer à l'anglaise (des moyens comme le cross-dressing et un spectacle avec chant, danse et claquettes ne sont donc pas à exclure, ce qui était d'ailleurs étrange à voir, dans un camp de prisonnier !), ce qui me revient un peu à dire où contrairement aux films se déroulant pendant la seconde guerre mondiale, personne n'est torturé, il n'y a pas de méchants soldats allemands. Les soldats ne font ici que leur travail et restent assez courtois avec les prisonniers. Il suffit aussi de voir l'attitude de von Rauffenstein avec le capitaine de Boëldieu !

Ces deux personnages, bien qu'opposés au niveau de leur propre camp durant la guerre, s'entendent relativement bien, malgré une certaine réluctance tout d'abord chez Boëldieu, et sont courtois, il y a une bonne entente entre eux et même une certaine fraternisation, alternant l'anglais et le français durant leurs conversations. L'amitié entre ces deux personnages est vraiment l'un des aspects qui m'a le plus plu dans ce film, de voir ces personnages opposés mais se rapprochant à cause de quelques similitudes qu'ils partagent (leur appartenance à la classe aristocratique par exemple), la courtoisie et camaraderie entre les deux, malgré la guerre, les petites répliques de Boëldieu... puis surtout, le grand moment d'émotion qui m'aura bien fait chialer et donné 'a lot of feels !!!!' [spoiler] le moment où Boëldieu, après s'être sacrifié pour permettre à Rosenthal et Maréchal de s'enfuir, parle une dernière fois avec von Rauffenstein sur son lit de mort, et que von Rauffenstein coupe sa fleur de géranium, ce qui est d'autant plus marquant quand on se rappelle de sa conversation avec Boëldieu où il disait qu'il tenait à cette fleur, que c'était la seule qui tenait dans cette grande forteresse où rien ne poussait ou ne tenait. La musique n'a rien arrangé, avec ces mélodies douces et tristes, j'ai craqué, j'ai bien pleuré et j'ai du me passer de l'eau froide sur la figure pour calmer ça ! [/spoiler] Il semblerait que ce film soit aussi bon que Joyeux Noël pour me faire ressentir autant d'émotion en une seule scène !


De gauche à droite, le personnage du capitaine de Boëldieu, incarné par Pierre Fresnay, et le commandant von Rauffenstein, joué par Erich von Stroheim.


Un film pacifiste donc, illustré par la relation Boëldieu/Rauffenstein et celle de Maréchal avec la jeune veuve allemande qui va le recueillir, lui et Rosenthal, après leur évasion, (et sa petite fille, Lotte, est juste craquante quoi !), et où Maréchal essaye de parler un peu allemande et la femme, Elsa, le français. Film aussi non antisémite puisque l'un des principaux personnages est Rosenthal, un lieutenant juif, qui n'est pas du tout maltraité et reste un personnage bien sympathique ! C'est également un film qui décrit un peu les grandes différences entre diverses classes sociales avec une aristocratie qui s'attache à ses anciennes traditions et qui vit toujours dans un monde archaïque, les conversations entre Boëldieu et von Rauffenstein illustrent bien ce monde archaïque mais auquel ils tiennent, malgré son déclin plus qu'évident et à travers les propos de Maréchal sur Boëldieu qui aura cette réplique disant que s'il appréciait beaucoup Boëldieu, ce n'était pas toujours facile avec lui car les deux viennent de mondes différents, Maréchal étant un "titi parisien" si je me souviens du terme. C'est quelqu'un de dégourdi, de franc, de naturel, qui vient des classes populaires tandis que Boëldieu est droit, ferme, parfois d'allure sévère, on sent bien son appartenance à l'aristocratie.

Sans être un film époustouflant chez moi, ce film reste néanmoins un beau film, avec de l'humour, de l'humanité, qui évoque très bien la solidarité, la loyauté, l'espoir (de s'évader), la persévérance (les personnages qui continuent toujours d'essayer de s'évader et de tenir, malgré tout), de la bravoure aussi (le sacrifice de Boëldieu pour Maréchal et Rosenthal, les prisonniers français qui se mettent à chantonner la Marseillaise à l'annonce d'une victoire française... et ce, face à des spectateurs allemands !), qui m'aura permis de découvrir de bons acteurs tels que Jean Gabin ou Pierre Fresnay (je ne dirais pas non à découvrir un film de ces acteurs !) ... Bref, une belle découverte !



La Grande Illusion - Affiche.