jeudi 11 mars 2010

Le silence de la mer - Vercors.

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'Hello darkness, my old friend
I've come to talk with you again...'

- The Sound of Silence, Simon & Garfunkel -


L'auteur :

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Jean Bruller (1902-1991), de son nom de Résistant : Vercors, était un écrivain, illustrateur et résistant français durant la Seconde Guerre Mondiale. Il co-fonda, en 1941, la maison d'édition clandestine Les Editions de Minuits avec Pierre de Lescure, et y publia sa nouvelle Le silence de la Mer en 1942.


Quatrième de couverture : 


Lorsque le Comité national des Ecrivains décide, en 1942, de créer une maison d'éditions clandestine, les fameuses Editions de Minuits, "Le silence de la mer" est le premier titre à être publié. Une vingtaine d'autres suivront jusqu'à la Libération, mais c'est le texte inaugural de Vercors qui connaît le plus grand retentissement.

Cette sobre histoire, où une famille française s'oppose par le silence à l'officier allemand qu'elle a été obligée de loger, est un plaidoyer implacable contre la barbarie hitlérienne. Sous la calme surface des eaux, c'est la terrible "mêlée des bêtes dans la mer" qui se trouve soudain révélée, et toute "la vie sous-marine des sentiments cachés, des désirs et des pensées qui se nient et qui luttent".Les récits qui accompagnent ici "Le Silence de la Mer" ont une portée peut-être moins complexe mais tout aussi forte. Tous lancent un vibrant appel aux vertus d'un humanisme conscient de ses devoirs.

Mon avis :

Livre découvert grâce au blog de Raison-et-Sentiments, puis trouvé à la bibliothèque de la fac. La lecture a été plutôt rapide, le livre étant court, et ne contenant que de nouvelles pas bien longues. Ces petites histoires sont toutes très bien écrites, intéressantes (surtout la toute première, Le Silence de la Mer), les émotions humaines sont très bien décrites. On a un regard nouveau sur l'occupation allemande.

Mon histoire préférée reste la première, je ne résiste pas à l'envie de vous en faire un résumé : en 1940, dans une ancienne demeure en province, un vieil homme et sa nièce voient une partie de leur habitation réquisitionnée pour héberger un officier allemand. Celui-ci, amoureux de la France, leur rend quotidiennement visite et essaye d'établir, vainement, un contact. Mais les deux hôtes français s'enferment dans un mutisme décidé. Loin de se vexer ou de se fâcher, l'officier allemand Werner continue ses monologues au coin du feu sur l'amour des peuples, la coopération, son admiration pour la France et sa culture, ses croyances en une union saine et forte entre la France et l'Allemagne, en l'avenir d'une Europe unifiée, la pluralité des cultures et des idées. Et puis, un jour lors d'un voyage à Paris, ses croyances vont se retrouver sincèrement bouleversées et tout bascule face à la dure réalité des choses, le vrai visage du Nazisme... Werner compend qu'il faisait fausse route depuis le début... et ne se sentant pas capable d'affronter ses deux hôtes à son retour, il demande sa mutation pour le front. Puis, la veille de son départ, le vieil homme et sa nièce briseront la forteresse de silence qu'ils avaient construit...


Bien-sûr, j'ai surtout accroché à la première histoire et j'aurais préféré qu'elle soit plus longue et plus développée car elle m'a vraiment intéressée. On a cet officier allemand, en admiration devant la France, ses écrivains, sa culture, qui voit l'invasion allemande comme une bénédiction pour les deux pays, persuadé que l'Allemagne est là pour aider la France, la rendre meilleure, j'ai particulièrement aimé la scène où il compare la France et l'Allemagne au conte de La Belle et la Bête. La France, comme Belle, est prisonnière d'une Bête infâme, cruelle, et doit supporter sa pesante présence avec courage et dignité mais elle se rendra compte que sous cette apparence de Bête se cache un prince beau, cultivé et doux lorsqu'elle commençe à s'attacher à son bourreau et à lui tendre la main. Que leur union donnera de beaux enfants, un bel avenir... j'ai bien dû relire plusieurs fois cet extrait tant il m'a marqué.

En fait, le personnage de l'officier m'a beaucoup émue, je me suis attachée à lui, je me disais que, le pauvre a des idéaux, il est amoureux de la France et se montre aimable, il n'a aucune idée de ce qu'il se passe réellement, la vraie face du Nazisme et de l'occupation allemande, il fait fausse route et il ne s'en rend pas compte. Donc, c'est le choc quand il s'en rend compte, un choc si profond qu'il n'ose plus affronter ses deux hôtes français. Puis l'impensable se produit : les deux sortent de leur mutisme qu'ils avaient batis en signe de résistance contre l'invasion.

Les autres nouvelles m'ont peut-être moins plu mais elles sont tout aussi bien. Nous avons Othello, Ce jour-là, Le songe, L'impuissance, Le cheval et la mort, L'imprimerie de Verdun et La marche à l'étoile. Le discours de Renaud dans L'Impuissance m'a émue. Son ami qui le croit fou quand il le voit brûler des livres et Renaud qui rétorque à quoi bon lire monsieur Baudelaire, passer des journées avec Stendhal, et tous ces grands écrivains français quand on sait que l'Homme fait des choses horribles à ses semblables, asphixie des innocents, à quoi bon être heureux d'être cultivé, intelligent, sensible à la littérature, lire des essais philosophique quand on est aussi un monstre, la pire des créatures qui tue de sang-froids ses semblables. A quoi bon quand on sait que d'autres souffent... Un récit de nouvelles que je suis très heureuse d'avoir découvert, pour conclure.


Un (petit) mot sur le film :



Le film de 2005 reprend Le Silence de la Mer et Ce jour-là. Il y a quelques changements au niveau des personnages (la nièce qui devient la petite fille du narrateur/vieil homme) mais ce n'est pas gênant, du tout. C'est 1h25 de bonheur. Le film se concentre plus sur l'officier et la petite-fille du narrateur que sur le vieil homme, c'est un peu plus romancé, on sent comme une connexion muette entre l'officier allemand et la jeune femme. Pas de clichés, pas de caricature, jeu des acteurs sublime. La scène des adieux est émouvante, comme une déclaration d'amour, un au revoir à mi-mots. En plus, j'aime l'accent allemand chez un homme quand il parle français, je trouve ça craquant. Une progression dramatique prenante dans ce film, pas de sentimentalisme. Juste... un très bon film que je ne me lasse pas de revisionner. Il me semble qu'il est encore disponible sur Youtube.

Extrait :

- Heureusement maintenant ils [les Allemands] ne sont plus seuls : ils sont en France. La France les guérira. Et je vais vous le dire : ils le savent. Ils savent que la France leur apprendra à être des hommes vraiment grands et purs.
Il se dirigea vers la porte. Il dit d'une voix retenue, comme pour lui-même :
- Mais pour cela il faut l'amour.
(...) Il ajouta, sur un ton de calme résolution :
- Un amour partagé.
Puis il détourna la tête, et la porte se ferma sur lui tandis qu'il prononçait d'une voix rapide les mots quotidiens :
- Je vous souhaite une bonne nuit.


Le silence de la Mer.

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